Professeur émérite de l’université Paris-Sorbonne, Yann Le Bohec est reconnu pour ses parutions en histoire militaire romaine notamment avec des ouvrages récents tels que Les Grands Généraux de Rome en 2022, La Vie quotidienne des soldats romains en 2020 chez Tallandier.
Ici, Yann Le Bohec s’attaque à un personnage historique à la fois connu et mystérieux, Vercingétorix, « premier des « grands hommes » de l’histoire de France, de la France avant la France ». Revenant à une lecture attentive de La Guerre des Gaules, Yann Le Bohec cherche à dépasser les idées reçues pour nous faire découvrir un Vercingétorix tacticien et stratège. Sa lecture en est fluide et richement documentée.
Dans son introduction, l’historien revient sur les difficultés de présenter et de connaître clairement Vercingétorix, sur les sources utilisées, sur les débats historiographiques sur la personne de Vercingétorix. Ce personnage est mal connu mais l’imaginaire des artistes et des écrivains s’en sont largement inspirés. Ils s’éloignent de la réalité et ne donne pas une image réelle de ce personnage historique.
Les deux premiers chapitres sont consacrés, tout d’abord, à Vercingétorix, à sa jeunesse, à sa formation ; puis à son armée (unités, combats, équipements). Vercingétorix était un aristocrate arverne qui a su devenir le premier en Gaule mais avait-il les moyens de ses ambitions ? Y. Le Bohec se demande quelles sont les raisons qui pourraient expliquer que l’armée gauloise ne soit pas victorieuse malgré un nombre suffisant de soldats, un courage certain, leurs maitrises des méthodes de combat.
Les chapitres 3 et 4 traitent de César et de son armée. Y. Le Bohec dresse un pendant à ses deux premiers chapitres pour présenter les deux principaux antagonistes et leurs armées, marquant la surabondance des sources sur la biographie de César. Son armée est certainement la première armée « moderne » de tous les temps d’après le général N. Richoux de par sa spécialisation des unités, les compétences de ses cadres, le recrutement de qualité, la logistique organisée. Le fait qu’elle soit dirigée par César rajoute au mérite de Vercingétorix, lors de son échec.
Le chapitre V porte sur la guerre des Gaules de 58 à 53 avant J.-C. Après six ans de luttes, les Gaulois ont compris que les Romains les avaient vaincus les uns après les autres. Ils devaient s’unir pour chasser les Romains. Les Romains avaient encore le souvenir de la défaite face aux Celtes en 390 av. J.-C., devenus des ennemis héréditaires à ce moment-là.
Ce sont 5 chapitres pour dresser un portrait des forces en présence, les commandements, leurs chefs. L’avantage de César avait été de ne pas faire face aux Gaulois mais à « des » Gaulois. Ils n’étaient pas conscients de leur unité, en tant que Celtes. Vercingétorix déploie plusieurs stratégies pour anéantir l’armée de César afin qu’elle ne revienne pas : celle de l’insurrection ; puis, celle de « pousser et tirer » lui est favorable alors qu’il échoue avec la stratégie utilisée à Alésia, celle de l’enclume et du marteau.
Les trois derniers chapitres s’intéressent aux stratégies employées par Vercingétorix. Il s’impose rapidement comme principal commandant de l’insurrection. Les Gaulois ne lui ont accordé qu’une autorité civile et militaire mal définie, pourtant. Même si les échecs d’Avaricum et de Lutèce ne pouvaient lui être imputés, Vercingétorix est le vainqueur de Gergovie. Il a su utiliser une stratégie complexe privant l’armée romaine de sa logistique. Alésia a été une défaite mais surtout la fin de la guerre des Gaules.
Dans une conclusion, Y. Le Bohec expose les conséquences à court, moyen et long terme de l’échec de Vercingétorix à Alésia. Il porte ainsi un dernier regard sur cette personne, voyant en lui l’homme, le militaire.
Je recommande la lecture de cet ouvrage au style fluide et clair. Même si nous n’avons pas fait toute la lumière sur la personne de Vercingétorix, nous savons aujourd’hui qu’il a été un « grand général, un grand tacticien et un grand stratège ».