C’est en « voisins disciplinaires géographes » et parce que le sous-titre nous y invite que nous pouvons nous intéresser à un dictionnaire traitant d’architecture dans les colonnes de la Cliothèque.

Et c’est aussi parce que Jean-François Roullin, géographe et urbaniste ayant officié essentiellement en écoles d’architecture, a longuement enseigné, qu’il pouvait être intéressant de se pencher sur son ouvrage séduisant de par un ton amusé et à la fois piquant présent dès une introduction que l’auteur voit d’ailleurs comme une « prétérition ».

Le lecteur apprendra sur diverses facettes du métier : 88,4 % des maisons individuelles ne sont pas dessinées par des architectes ; « Corbu », puis Jean Nouvel, sont les seuls architectes dont les Français connaissent le nom ; les « délaissés » sont causés par les expropriations de parcelles entières et non en fonction de ce qui serait juste nécessaire à la réalisation des ouvrages…le géographe, lui , pourra se décentrer en comparant la façon dont sont abordés ses concepts clés « espace », « lieu », « paysage ».

De ce rapide coup d’œil, on comprend que Jean-François Roullin est sérieux et maîtrise son sujet. Ce qui ne l’empêche pas, et c’est tout l’esprit de cet opus, de porter un regard critique sur l’exercice de la profession et d’affirmer son affection pour les étudiants qu’il n’hésite pas à chahuter un peu.

Les acteurs sont passées au crible de « l’architecte » et ses différentes tenues (personne habillée en noir, personne à la veste en velour et aux poches pleines de croquis, personne de moins de quarante ans ne voulant pas paraître plus…) au « directeur » (la hiérarchie, c’est comme les étagères, plus c’est haut, moins ça sert) en passant par « l’ouvrier » (respecté parce qu’il exécute parfaitement ce qu’il a à faire et peut le faire beaucoup moins bien si on le prend de haut) et le « professionnel » dont l’attitude commence dès l’école (être à l’heure, rendre travaux et projets aux dates demandées, avoir une adresse mail sérieuse – à savoir avec prénom et nom identifiables).

Les pratiques, styles et périodes sont également titillés à l’image de la surabondance « d’abréviations » propres à chaque groupe professionnel (et qui ici font dominer les « P » plans, « S », schémas et « Z », zones) ou du « façadisme » qui consiste à soigner l’extérieur sans accorder autant d’égard au contenu sans oublier « l’académisme », l ‘irréconciliable duo « classique/moderne » et tant d’autres. Quant aux « photographies », elles représentent bien souvent des équipements sans usagers et des logements sans habitants.

Mais c’est finalement en ayant analysé finement la façon dont vit et fonctionne l’étudiant que l’auteur explique nombre des caractéristiques professionnelles évoquées dans l’ouvrage. Les « étudiant(e)s » en architecture, reconnaissables à un certain look, sont, comme nombre d’autres, soumis à « l’angoisse » (de « rendu » du « projet », d’entrée dans la vie professionnelle), à l’implacable constat « qu’apprendre » nécessite des efforts ou qu’avoir un « ordinateur » allumé en cours n’est pas forcément synonyme de prise de notes (difficile de comprendre pourquoi un étudiant éclate de rire en regardant son écran alors que son professeur raconte la mort de Le Corbusier !).

Au delà de ces savoureux extraits, on retiendra des leçons de portée plus générale non moins agréables à la lecture : le lien entre « âge » et maturation n’est pas forcément net, celui entre « formation » et « métier » non plus. Quant au fait « d’enseigner », Jean-François Roullin voit la même chose que nous en affirmant qu’un public, quel qu’il soit, ne reste pas concentré plus de vingt minutes et que le fait d’enseigner fait appel à des compétences qui tiennent aujourd’hui beaucoup plus que d’expériences à transmettre.