La planète est-elle à la merci d’une nouvelle crise sanitaire ? C’est sur ces termes que cette nouvelle édition de l’atlas mondial de la santé que la Cliothèque avait déjà eu l’occasion de recenser que Gérard Salem (professeur émérite à l’Université Paris Nanterre) ici accompagné de Florence Fournet (chargée de recherches à l’IRD) présente sa quatrième de couverture.

L’introduction questionne la maille « Monde » qui ne va pas de soi étant donné qu’il peut y avoir parfois plus de variations d’un phénomène à l’intérieur des Etats qu’entre les Etats. La maille pertinente en santé est, de toutes façons, rarement administrative. Un intéressant focus méthodologique (pp 14-15) montre qu’il est nécessaire de recourir à une certaine significativité statistique, à repérer des formes spatiales utilisables (cluster, structure radiale…) et de prendre en compte la dimension spatio-temporelle. Il est central également de ne pas transformer les corrélations en causalités (mettre en lien cancers et pollution sur une année n alors que les cancers mettent plusieurs années à se développer) et de rester toujours vigilant sur la dimension multiscalaire des phénomènes (comment être certain que tel programme médical a été sans effet sur une population donnée dans un quartier si la frange aisée de cette population a quitté les lieux ?).

Une approche mondiale

La première partie de l’atlas s’intéresse à une approche mondiale. On y apprend entre autres que l’espérance de vie des femmes demeure supérieure à celle des hommes mais avec des nuances par pays pouvant aller jusqu’à un décalage de 11 ans. La mortalité infantile est en baisse mais il reste encore du travail sur la malnutrition sur maigreur (Afrique Subsaharienne) sur l’obésité (Etats-Unis, Lybie, Egypte, Arabie Saoudite). Les maladies infectieuses sont en recul même s’il reste à faire sur le SIDA, le paludisme et la tuberculose…mais il faut se garder de voir la courbe descendre quoiqu’il arrive (le réchauffement climatique modifie les zones d’implantation et la baisse de la biodiversité qui réduit les hôtes intermédiaires). La peste est toujours présente à Madagascar, la rage et la leptospirose sous estimées. Les cancers se guérissent de mieux en mieux tandis que le diabète et les maladies cardiovasculaires apparaissent comme des pandémies même s’il n’y a ici pas de contamination (les causes sont variées, stress/obésité ou alors génétique). Egalement dans cette section, un regard sur les accidents de la route, mal voire non évalués et qui seront amenés à se développer avec la hausse démographique et de l’urbanisation. Le marché des médicaments, enfin, est lui très puissant et navigue entre surconsommation et carences sans oublier les contrefaçons.

Zooms nationaux

La seconde partie traite de zooms nationaux. L’étude de la surmortalité régionale en France permet de comprendre qu’il n’y a pas de fatalité à ce phénomène : l’Alsace est passée du rouge au vert entre 1975 et 2009 alors que la Bretagne et le Nord sont restées dans le rouge. On trouve, page 57, des cartes originales qui rapportent l’espérance de vie d’un pays à l’une des provinces de Chine : le Sud Est urbain littoral est bien plus favorisé que le reste du pays et l’on trouve des écarts forts allant de l’espérance de vie de la Suisse à celle de la Moldavie. L’échelle communale n’est pas forcément toujours pertinente : concernant l’espérance de vie, Paris dans son ensemble n’est pas forcément mieux lotie que toute sa banlieue (la partie ouest de l’agglomération, y compris les arrondissement de l’ouest de Paris intra muros est mieux lotie que la partie Est). La question de l’équité citoyenne pour l’accès aux soins pour les grandes métropoles montre que celles-ci concentrent l’offre au détriment des petites villes et des zones rurales.

Les défis du nouveau millénaire

L’ouvrage propose une troisième partie sur les défis du nouveau millénaire. La malbouffe (le sucre et le gras) touche presque toute la planète. Localement, cette situation peut être ramenée aux « déserts alimentaires » (Etats-Unis) qui empêchent un accès proche à des produits frais et obligent à se rabattre sur des produits transformés. On trouve, page 70, une carte du Vaucluse qui superpose les prix du foncier et la présence des kebabs (foncier peu onéreux) et des restaurants étoilés (foncier onéreux) et dessine en cela un état de la pauvreté. Les épidémies, de plus en plus nombreuses, sont favorisées par la hausse des températures et le trafic aérien massif. Les arbovirus (tiques, moustiques) inquiètent également tout comme le redémarrage du virus Ebola. Les conséquences du réchauffement climatique sont traitées : décès qui seront dus aux vagues de chaleur, augmentation des maladies transmissibles, baisse de la production agricole et donc pénuries alimentaires. Les premières leçons du Covid-19 clôturent l’opus avec l’analyse des failles de notre époque, mondiales (mobilité exacerbée) et nationales (problèmes de gestion de nos hôpitaux).

Une mise en page impeccable et des infographies soignées comme toujours dans cette gamme d’atlas. Deux coquilles à signaler mais que les auteurs nous signalent avoir déjà repéré et s’attachent à corriger pour la prochaine réimpression : p 72, la numérotation des étapes de diffusion du virus Zika sur la planisphère montre une succession de numéros qui ne correspond pas parfaitement à la chronologie des étapes ; p 76, la seconde carte sur la répartition du risque épidémique de la fièvre de la vallée du Rift montre une légende dont les couleur ont été inversées (le rouge étant noté comme une traduction d’un faible risque et le vert d’un risque élevée alors qu’il doit s’agir du contraire).