Une ville « où la privatisation des services publics est censée assurer une meilleure qualité de vie avec un coût moindre, une ville où assurer ces services de base à la population serait moins important que de développer un climat d’affaires » : voilà ce qui pourrait correspondre à une définition de la ville néolibérale selon Gilles Pinson, professeur de sciences politiques à Sciences Po Bordeaux.

 

Dans cette synthèse, l’auteur rappelle également ce qui pourrait définir le néolibéralisme : « un ensemble de propositions qui étendent les mécanismes du marché à un spectre toujours plus large d’activités, cela en s’appuyant sur une forte intervention de l’Etat ». Appliquée aux politiques urbaines, cette doctrine entend redistribuer les ressources non pas vers les zones les plus défavorisées à des fins de justice sociale mais vers des pôles de croissance entrepreneuriaux si on en croit les défenseurs du droit à la ville.

 

L’ouvrage démarre sur le contexte historique qui a permis à des politiques urbaines néolibérales de prendre corps. Les racines sont à chercher dans le fordisme qui, après crise de ce modèle basé sur l’accumulation, a permis la montée en puissance de ces doctrines néolibérales.

 

Divers mécanismes sont décrits. Les villes subissent des mesures restrictives des gouvernements, des privatisations d’équipements urbains permettant à la néolibéralisation de toucher trois domaines : l’urbanisme et la planification, le logement, la régénération urbaine.

Dès les années 1970

Les premiers signes tangibles de la néolibéralisation apparaissent dès les années 1970 avec une baisse de l’investissement industriel au profit de l’investissement immobilier comme valeur refuge. Ensuite, arrive une concentration du secteur du développement urbain avec l’émergence de géants de la construction. Encore après, c’est le rapprochement des banques de ces magnats de la construction qui s’accompagnent d’une forte spécialisation selon les types d’immobilier. La ville se financiarise, le prix de l’immobilier s’envole et il devient difficile d’accéder à la propriété. Une logique de mise en compétition, en concurrence des territoires s’installe pour que l’Etat continue à gérer, mais à distance.

 

Gilles Pinson convoque Michel Foucault pour évoquer l’idée que « l’Etat est sous surveillance du marché et non le marché sous surveillance de l’Etat ». Des agences extérieures dépossédant les élus locaux de leur pouvoir de décision et œuvrent en marche de structures conventionnelles de démocratie participative.

 

Les critiques du néolibéralisme par les chercheurs ont leurs limites : elles apparaissent, selon l’auteur, trop nostalgique de l’époque pré-néolibérale où la démocratie participative n’était pas si idéale que cela, elles jugent trop sévèrement la gouvernance métropolitaine.

La ville néolibérale

La ville néolibérale cherche aussi à discipliner les comportements. Les logiques compétitives, parfois jusqu’à l’hyperspécialisation, se font au détriment de la qualité des services de base à la population. Discrédit et répression pour les déviants contrastent avec une valorisation des méritants qui « font des efforts ». Ainsi la division des plus pauvres amènent à l’évitement d’éventuelles actions collectives.

 

Si le concept de ville néolibérale n’est pas sans failles scientifiques dans sa définition, la tentation de n’y voir, politiquement, qu’un ennemi unique à combattre reste simpliste. Les évolutions urbaines ne résultent pas que de projets néolibéraux mais de transformations plus longues et plus profondes.