Voici donc le troisième volet de la fresque historique de l’historien Laurent Nagy mettant en scène les aventures du commissaire Samuel Le Mullois. Après les aléas de la Première Restauration et des Cent-Jours, nous retrouvons cette fois-ci le policier parisien en 1816 dans le climat tempétueux de la Terreur blanche.

Pour lui, cette séquence prend la forme d’un périlleux retour à ses racines normandes. Son oncle, officier supérieur déchu arrêté pour meurtre, est-il victime de ses vices ou le bouc-émissaire institutionnel d’un règlement de comptes politique ? S’efforçant par solidarité familiale de sauver ce proche en péril, le commissaire Le Mullois enquête de Paris à Rouen, Dieppe, Bruxelles… et retour. Naviguant entre amitiés conspiratrices et allégeance aux autorités policières, il s’expose à de sérieux dangers. Il mène houleusement sa barque en frayant avec les contrebandiers de la mer et les agitateurs des faubourgs. Ce faisant, va-t-il parvenir à concilier les contraires et aider au salut de son parent accusé ?

L’aventure, menée avec rythme, prend une étonnante profondeur œdipienne. La personnalité austère du héros, engoncée dans un protestantisme rigide, n’est pas sans évoquer celle d’un quaker. Or, pour des raisons morales complexes, Le Mullois s’est éloigné de la plupart des siens. Il renoue donc avec eux par sens du devoir plus que par affection. On lie ainsi connaissance avec sa galaxie familiale, qui s’unit malgré ses divergences pour venir en aide au sien en danger. Épouse insatisfaite, mère hostile, fils idéaliste, oncle Conventionnel régicide en exil, cousin général en demi-solde dont on se défie à tort ou à raison, jeune cousin enthousiaste étudiant la pharmacie, défilent en une aimable galerie de comparses.

La quête est riche en péripéties. Elle est agrémentée par une immersion descriptive et historique très convaincante dans l’ambiance de l’époque. Sociétés secrètes, menées de la Charbonnerie, jeux de pouvoir dans les sphères politico-policières sont mis en situation avec précision. Habilement tricotée, l’intrigue met en scène un certain nombre de protagonistes réels, conformément à la tradition du roman historique. Le fictif Le Mullois est ainsi greffé généalogiquement sur l’authentique lignée dieppoise des Pocholle. En un clin d’œil érudit, le général de Vaudoncourt, dont L.Nagy a réédité les mémoires en 2012, est quant à lui mis en scène dans le milieu bruxellois des opposants en exil. On apprécie également l’immersion dans les détails matériels de la vie de l’époque, du voyage en vélocifère aux gobes dieppoises. L’ensemble de ces ingrédients fait de ce troisième tome un délassement littéraire de bonne facture qui plaira aux amateurs de roman policier d’époque.

© Guillaume Lévêque