L’ouvrage Vainqueurs et vaincus – La « question indienne » de Georges Washington à Obama est une revisite revisite des relations entre les « Native Américans », leurs chefs et les présidents des États-Unis, tantôt bienveillants, tantôt hostiles. L’autrice, l’ethnohistorienne Joëlle Rostkowski, montre les moments clés de la gestion des affaires indiennes. Elle met en valeur les convictions personnelles des différents acteurs de cette histoire marquée par l’idée que la découverte justifiait l’appropriation de terres jugées vacantes.
L’autrice rappelle dans son avant-propos que les « Native Américans », Amérindiens sont à la fois très présents dans le quotidien des Étasuniens, dans la dénomination de certains États, dans la culture populaire, et absents dans la conscience nationale. Le National Museum of the American Indian n’a ouvert, à Washington, qu’en 2004. Les 574 nations ne représentent que 2 % de la population répartie dans 15 États (où ils sont plus de 100 000). longtemps absent du récit national, invisibilisés, ils ont lutté pour leurs droits dans les années 1970-1980. Le renouveau, en ce début du XXIe siècle demeure fragile.
L’Amérique un continent imprévu
L’autrice resitue la « découverte » dans le contexte d’une Europe minée par les tensions internes et de conquérants convaincus de l’existence d’une hiérarchie des races et des cultures. Dès cette époque, quelques voies discordantes s’élèvent contre l’esclavage des Indiens : Bartolomé des las Casas ou le pape Paul II dans sa bulle Sublimis Deus (1537).
Premiers contacts, premiers conflits et jeux d’alliance
Les premiers découvreurs recherchent à la fois un eldorado et une terre à évangéliser. L’autrice retrace les premières incursions, depuis le Mexique, sur ce qui est aujourd’hui le sol des États-Unis et du Canada. Le désir de s’implanter durablement suscite la résistance des populations autochtones. Ces premières implantations sont très présentes dans la mémoire américaine comme la tentative de John Smith en Virginie, le contact avec les Powhatans et le mythe de Pocahontas, symbole de la synthèse entre deux nations.
Les Pères pèlerins du Mayflower et la colonie de Plymouth : Si George Washington créa le premier Thanksgiving Day, c’est tardivement que d’Abraham Lincoln décide de commémorer la fête de Thanksgiving en 1863Sa date de célébration le 4e jeudi de novembre découle de la loi de 1942.
Aux lendemains de la guerre de 1802, le discours du président Quincy Adams, à Plymouth, relie la démocratie de la nouvelle république au pacte de Mayflower. Ce Pacte fut signé le 11 novembre 1620 dans lequel les signataires s’engageaient à former un gouvernement et à voter des lois.
Il fonde ainsi l’idée que la légitimité du gouvernement est quasi d’ordre divin et sa mission salvatrice. Ce modèle ne faisait aucune place aux Amérindiens.
Si quelques alliances ont pu exister très vite des conflits opposent les colons aux autochtones. La guerre des Pequots (1636-1638) peut-être considérée comme la première guerre indienne. L’autrice pose la question de la qualification possible de génocidaire du massacre de Mystic ; une violence assumée comme mission divine.
L’autrice développe les relations des Anglais avec la confédération des Iroquois dans leur opposition aux Français et leurs alliés algonquins. Elle décrit l’affrontement de deux impérialismes et de deux mouvements d’évangélisation : récollets et jésuites face aux puritains, notamment durant la Guerre de Sept Ans1756-1763, chute de la Nouvelle-France . Elle montre le rôle du conflit dans la création d’une colonie unifiée : Congrès d’Albany sous l’impulsion de Benjamin Franklin et le rôle de George Washington, dans le jeu d’alliances avec des Iroquois désireux de protéger leur territoire face aux implantations européennes.
Question d’indépendance : Démocratie et autochtonie
Si la guerre qui oppose Français et Anglais se termine au Traité de Paris, ces décisions entraient à terme la guerre d’indépendanceÀ noter un large paragraphe sur le rôle de La Fayette dont les grandes étapes sont rappelées. Insurgés comme anglais recherchaient l’aide des Amérindiens qui furent largement victimes du conflit.
Naissance d’une nation et politique indienne : la vision des pères fondateurs
Dans la constitution du jeune État, les Amérindiens sont absents. L’ordonnance du nord-ouest contient un engagement solennel (13 juillet 1787)
« on fera toujours preuve d’une bonne foi absolue avec les Indiens. On ne prendra jamais leurs sans terres leur accord » (p.87)
La politique de G. Washington est celle d’une « expansion honorable » : des achats de terres indiennes, mais une volonté de repousser, voire d’éliminer les « sauvages ». Les affaires indiennes sont confiées au ministre de la guerre Henry Knox qui met en place une politique fondée sur l’achat de terres et l’assimilation et la répression pour ceux qui refusent.
Des traités sont signés avec les différentes nations : en 1778 avec les Delawares, en 1784 à Fort Stanwix avec les principales nations iroquoises.
L’autrice présente le point de vue amérindien. Washington est surnommé le « dévoreur de terres », comme son grand-père. Ils n’étaient pas dupes du double discours des Américains et demandèrent, à plusieurs reprises, que soient respectés les traités et mis fin à l’invasion de leurs terres. Quand ils refusaient de vendre, Washington n’a pas hésité à faire la guerre, comme dans le nord-ouest, dans la vallée de l’Ohio.
Avec l’élection de Thomas Jefferson, c’est une nouvelle impulsion pour l’expansion des colons à l’ensemble du continent. C’est dans cet esprit qu’il achète la Louisiane (11 mai 1/803). Il soutint l’expédition de Lewis et Clark, décrite en détail ; l’autrice montre qu’à côté des objectifs scientifiques, il fallait faire accepter la souveraineté américaine. Il était un fervent défenseur de la démocratie du monde blanc, il possédait lui-même plus de 500 esclaves noirs.
James Madison, le 4e président, poursuivit la même politique expansionniste, tout en étant favorable au métissage, vu comme une solution à la question indienne.
En 1812, il s’engage dans une guerre avec la couronne britannique qu’il accuse de soutenir les Amérindiens qui s’oppose à l’expansion. Il se déclare favorable à l’annexion du Canada.
Un autre inspirateur de Trump, arrive à la Maison Blanche, James Monroe. Malgré un compromis avec les Amérindiens, le recul de leurs possessions se poursuit. Son mandat est marqué par de grands travaux d’infrastructures qui favorisent le déplacement des Américains vers l’Ouest. De nouveaux États sont créés : Mississippi, Illinois, Alabama, Maine et Missouri. Il développe une politique d’affirmation des États-Unis dans son message au congrès, le 02/12/1823, une formule restée célèbre : L’Amérique aux Américains .
La politique vis à vis des Amérindiens se durcit, les relations conflictuelles avec les Séminoles, après l’acquisition de la Floride, en sont un exemple. La doctrine est définie par le sécrétaire à la guerre C. Calhoun : assimilation par l’apprentissage obligatoire de l’anglais, fractionnement des terres collectives et déplacements forcés vers l’ouest même des nations « civilisées » comme les Cherokees, les Choctaws, les Creeks.
Les piliers de la discorde 1815-1890
De la diplomatie à la déportation
Le mandat de John Quincy Adams ouvre la voie à la politique de déportation à l’ouest du MississippiTraités des Creeks de Géorgie 1825-1827 : achat de leur terre contre la promesse d’une terre équivalente à l’ouest du fleuve. Le président est amené à arbitrer les traités conclus entre un État de la fédération et les nations indiennes. Il n’approuvait pas la volonté d’appropriation des terres voulue par les colons qui justifiaient leur position en désignant les Amérindiens comme des chasseurs-cueilleurs qui ne faisaient rien de leur terre. Pourtant parmi ceux vivant à l’est du Mississippi, ils étaient nombreux comme les Cherokees ou les Creeks à être agriculteurs, cultivés, souvent plus que les colons et assimilés.
Avec son successeur, Andrew Jackson, une politique brutale d’expansion est mise en place, dès 1928 : soutien aux législations discriminatoires (Géorgie, Alabama), déplacement de plusieurs nations par traité ou par force (Removal Act voté en 1830).
La découverte d’or sur le territoire des Cherokees marque le début de la « piste des larmes »Encart : le témoignage de Tocqueville, p 155, le déplacement vers l’Arkansas et l’Oklahoma provoqua la mort d’environ 4 000 personnes sur 18 000 déplacésLa déportation a été reconnue comme telle, par l’État de Géorgie, en 1960.
Martin Buren, élu en 1836, poursuivit la même politique.
De la destinée manifeste à la conquête de l’Ouest
L’autrice explicite la notion de « Manifest Destinity » qui justifiait, en référence aux Pères Pélerins, l’appropriation des terres.
Ce chapitre présente la politique des présidents suivants et le début de la ruée vers l’or de Californie.
Les prémisses de la Guerre de Sécession
Les Grandes plaines des Comanches, des Apaches, des Sioux sont perçues comme le « Grand Désert » par des colons toujours plus nombreux à les parcourir puis s’y installer, avec le soutien du gouvernement fédéral comme avec Franklin Pierce. La construction du chemin de fer s’accompagne de spéculation foncière et entraîne l’expropriation des Amérindiens.
Les heurts entre pionniers venus du Nord abolitionniste aux colons venus du Sud esclavagistes marquent la campagne de 1857 et annoncent la guerre civile.
Au cœur de la tourmente, les Indiens et la Guerre de Sécession
L’autrice propose une analyse du conflit : motifs raciaux, question des pouvoirs entre États et niveau fédéral, raisons économiques qui opposent un Sud agraire et rural à un Nord industriel. Outre les grandes phases de la guerre, elle montre qu’elle contribua à effacer la question indienne malgré la révolte des Sioux santees qui fut sévèrement réprimée et le massacre des Cheyennes à Sand Creek qui suscita des débats autour de la notion de crime de guerre.
Gowest young man
Cette célèbre formule, sous la présidence Lincoln, est liée au Homestead Act qui permettait à tout occupant d’un terrain depuis 5 ans d’en revendiquer la propriété en dépit des traités signés avec les Amérindiens, souvent nomades.
Andrew Johnson, successeur de Lincoln, avait un pays à reconstruire. Les soldats confédérés démobilisés étaient disponibles pour constituer des milices de protection des colonsInvasion du territoire navajo par des volontaires sous le commandement de Kit Carson et pour réprimer les révoltes indiennes.
La politique d’Ulysses S. Grant, élu en 1868, fut ambiguë : à la fois favorable à l’intégration des Amérindiens avec la signature la Paix des Braves signée en 1872 entre le général Olivier Howard et Cochise, mais, en ancien militaire, partisan de la guerre contre ceux qui n’acceptaient pas les réserves, la christianisation et une acculturation forcée. La Peace Policy et le Board of Indian Commissioners, aux mains des religieux, furent chargés de cette politique.
L’autrice montre une nouvelle approche des différents épisodes des guerres indiennes, et notamment l’interrogation sur les crimes de guerre à propos de l’affaire de Camp Grant, la résistance des Comanches et celle des Sioux vainqueurs de Custer, à Little Big HornSur cette bataille, voir l’analyse de David Cornut dans son ouvrage Little Big Horn – Autopsie d’une bataille légendaire, publié en 2018 aux éditions du Rocher/footnote], après la confiscation des Blacks Hills, « victoire fatale » selon les mots de l’autrice.
Le morcellement des réserves, accompagné de déplacements forcés et les internats sont caractéristiques de la présidence de Rutherford B. Hayes (1877-1881) qui conscient des atteintes aux droits des Amérindiens, tait favorable à une assimilation paternaliste. Une politique poursuivie par ses successeurs, malgré une sensibilité croissante à la question indienne. Grover Cleveland souhaitait faire des Indiens des citoyens ordinaires. Le Dawes Act, du nom de son concepteur le sénateur Henry Dawes, voté en février 1887, prévoyait de faire de chaque Indien un petit agriculteur sur 60 hectares en morcelant les réserves et supprimant la propriété collective. Le surplus de terrains disponibles provoqua une ruée de pionniers vers l’Oklahoma[footnote]730 000 hectares de la réserve crow furent cédés aux pionniers blancs.
L’autrice montre comment l’anthropologie darwinienne de l’époque a pu soutenir cette politique tout en documentant les cultures en voie de disparition.
Le mandat de Benjamin Harrison fut celui de la « fin de la frontière » avec la création de nouveaux États (Dakota N et S, Montana, État de Washington, Idaho, Wyoming).
Les communautés amérindiennes, environ 250 000 h en 1890, furent attentives, face à leur déclin, à des prophètes d’un avenir meilleur comme Wovoka, initiateur de la « Ghost Dance ». Cette danse des esprits se répandit rapidement, notamment parmi les Sioux. Dans ce contexte, l’administration décida l’arrestation de Sitting Bull ce qui déclencha le massacre de Wounded KneeSur ce sujet, Wounded Knee 1890 – Enquête sur le dernier massacre d’Indiens aux Etats-Unis, une conférence de Laurent Olivier, au Rendez-Vous de l’Histoire de Blois 2021. Il est l’auteur la même année de Ce qui est arrivé à Wounded Knee – L’enquête inédite sur le dernier massacre des Indiens (29 décembre 1890), Flammarion en décembre 1890 qui mit un terme aux guerres indiennes.
L’éclipse et la lente reconnaissance
L’éclipse 1890-1924
Ce tournant du siècle est marqué par un déclin démographique, un isolement des communautés et la folklorisation des Amérindiens, invités à se produire dans Buffalo Bill’s Wild West.
C’est aussi le moment où se cristallise l’idée d’une spécificité américaine née de la « Frontière ». Les pionniers de l’Ouest symbolisent la victoire de la civilisation et de la démocratie sur l’univers sauvageThèse de Frederick Jackson Turner 1893. Ce concept est souvent considéré comme la base de l’imaginaire américain et de sa « mission civilisatrice ». A contrario, les Indiens, comme Geronimo, furent montrés comme l’incarnation de la sauvagerie, un monde dont il faut recueillir les traces : c’est le travail du photographe Edward Curtis, soutenu par Théodore Roosevelt, du peintre George Catlin et des anthropologues de la Smithsonian Institution qui collectes les mythes de la genèse avec l’aide peu visible des Amérindiens.
L’autrice présente les dormes de résistances culturelles, elle développe l’exemple de Black Elk.
Un paragraphe est consacré au point de vue du président Théodore Roosevelt : l’existence d’une hiérarchie des cultures qui justifie la lutte contre l’identité collective indienne.
Partisan de la puissance américaine à l’extérieur et à l’interventionnisme en Amérique centrale, il fut l’auteur d’une politique raciste : interdiction de l’immigration chinoise et japonaise, tolérante pour la ségrégation et refusa de reconnaître les droits territoriaux des Amérindiens.
Son successeur William Howard Taft poursuivit la même politique de création de réserves naturelles en territoire indien sans consultation des populations concernées. Il émit des doutes sur l’administration des affaires indiennes. Sa gestion des Indiens pueblos fut peu claire. C’est l’occasion pour l’autrice d’évoquer des formes de résistances silencieuses comme la cohabitation de rituels traditionnels et catholiques de cette population.
Avec l’élection en 1912 de Woodrow Wilson, le ton change :
« Ceci est un message à tous les Indiens […] Le Grand Père blanc vous appelle maintenant ses frères et non ses enfants. Cité p. 280»
Il ouvre la voie vers une reconnaissance et la citoyenneté. La participation volontaire des Amérindiens à la Première Guerre mondiale permit un changement de regard.
Vers la reconnaissance de la citoyenneté
La loi Snyder, sous la présidence de Calwin Coolidge, ouvrit la porte à la citoyenneté. Il fut le premier président à se rendre en terre indienne en 1927.
Herbert Hoover était un président atypique. Bon connaisseur des Indiens osages, il fit adopter une loi qui annulait les dettes des communautés indiennes.
En 1934, l’Indian New Deal réorganisa les Affaires indiennes. L’autrice dresse le bilan de ce New Deal et montre que dès les années 1920, des Amérindiens ont tenté de demander justice devant la SDN.
Environ 25 000 Amérindiens participèrent à la Seconde Guerre mondiale durant laquelle ont fit appel à leurs langues pour coder des messages. Leur situation, intégration aux troupes, était meilleure que celle des afro-Américains. Ils puisèrent dans la guerre une énergie pour défendre leurs droits. Le National Congress of American Indians est réuni pour la première fois en 1946.
Le président Truman refusait le statut particulier que le bureau des Affaires indiennes instaurait de fait pour les Indiens des réserves, il le considérait comme trop coûteux. Pour réduire les dépenses fédérales, une politique d’intégration et d’urbanisation fut mise en place, avec comme objectif la destruction des structures tribales.
Cette Termination PolicyResolution 108, adoptée en 1953 fit, sous Eisenhower, disparaître la question indienne.
« Le Congrès des États-Unis a pour objectif de conférer aux Indiens des États-Unis, le plus rapidement possible, les mêmes privilèges et les mêmes responsabilités qu’aux autres citoyens, de mettre fin à leur statut de pupilles du gouvernement. »Cité p. 318
De fait, cette politique mettait fin aux obligations du gouvernement fédéral découlant des traités et donc à toute assistance aux Amérindiens. Le texte prévoyait la redistribution des terres des réserves ce qui devait, selon ses concepteurs, les sortir de la pauvreté.
Comme le phœnix
À la suite du New Deal indien et de l’échec de l’urbanisation, un mouvement de lutte pour les droits civiques, parallèle au mouvement des Afro-Américains, se développe dans les années 1960. Le 13 juin 1961, une conférence réunit à Chicago les représentants de 79 nations. Les conclusions furent présentées au président Kennedy.
Extraits p. 325
Lyndon Johnson s’engagea à lutter contre leur pauvreté. Le slogan « Geat Society », leur fut globalement positif.
L’autrice décrit l’essor du mouvement indien dans les années 1970 : le Red Power et quelques manifestations emblématiques qui marquèrent l’opinion : occupation de l’île d’Alcatraz (1969-1971), occupation du bureau des Affaires indiennes (1972), occupation, de février à mai 1973, du site de Wounded Knee.
Les présidents face au Red Power
L’autrice donne les grandes lignes de ces politiques. Pour chaque président, elle recherche dans sa vie, son parcours des éléments de compréhension de la politique à l’égard des Amérindiens.
Nixon : autodétermination et réparation comme la restitution du Blue Lake aux Indiens Taos du Nouveau-Mexique et l’Alaska Native Settelment qui reconnaissait comme abusive l’appropriation des terres autochtones dans les années 1950.
Gerald Ford : autodétermination et programmes de santé en faveur des Indiens des réserves.
Jimmy Carter : reconnaissance fédérale de plusieurs nations et liberté des pratiques religieuses traditionnelles.
Dans les années 1980, de nombreuses universités ont ouvert des départements d’études indiennes, qui ont ouvert des voies d’accès aux études supérieures et d’émancipation. De nombreux Amérindiens trouvèrent une place dans la société américaine tout en réaffirmant l’importance des réserves comme lieux de mémoires et d’identité.
La reconnaissance demeure fragile, le bilan de la présidence Reagan est sévère. Il a reproché aux Amérindiens de préférer les réserves, il était favorable au désengagement de l’État et hostile à une politique de discrimination positive. En bon libéral, il était favorable à l’exploitation des ressources minières des réserves par des compagnies privées. Paradoxe, sa politique permit à certaines réserves de s’enrichir dans l’économie du jeu.
George H. W. Bush fut plus bienveillant. Il reconnaissait le lien entre le gouvernement fédéral et les nations indiennes. C’est lui qui décida de la construction, à Washington, du National Museum of American Indian. Sur pression des communautés, il favorisa l’inventaire des restes humains et des objets cérémoniels présents dans les musées fédéraux, en vue de leur restitution.
Bill Clinton fut le premier président en exercice à se rendre dans une réserveLa réserve Sioux de Pine Ridge. Il organisa des rencontres avec les chefs amérindiens qui lui firent prendre conscience de la situation économique et sociale dans les réserves. Il nomma une Amérindienne au poste de Secrétaire adjointe aux Affaires indiennes.
La reconnaissance internationale
Ce qui marque la période contemporaine, à partir des années 1980, c’est le rôle des Amérindiens au sein des nations Unies comme représentants de l’autochtonie.
L’autrice retrace ce combat initié par les Iroquois à la SDN pour une reconnaissance internationale des peuples autochtones. Elle rappelle la réflexion sur le droit international au sein de l’UNESCO, de l’OIT.
Au début du XIXe siècle, le terrorisme effaça la question indienne des préoccupations du gouvernement fédéral. La visibilité des Amérindiens se fait sur le mode festif (First American Festival en 2004) et la mise en valeur de l’art amérindien contemporain. On voit aussi une revitalisation des langues : Natives American langages Preservation Act, en 2006.
Obama fut, d’après l’autrice, un président engagé dans le respect des traités et dans la lutte contre les violences qui touchent les femmes amérindiennes. Sa visite dans la réserve de Standing Rock marque une volonté de contribuer à l’amélioration du sort des Amérindiens. Il stoppa les travaux d’un oléoduc menaçant l’environnement de cette réserve.
Avec la « tornade » Trump (1er mandant), les engagements écologiques sont oubliés et les Amérindiens folklorisés. Biden prit le contre-pied.
Dans ce contexte de cycles contradictoires de la politique fédérale, l’affirmation identitaire se renforce dans les jeunes générations.
Conclusion :
L’autrice insiste sur la fierté d’être indien et le refus de la victimisation aussi bien parmi les Indiens des réserves que chez les Indiens urbains, une distinction qui n’a plus guère de sens. L’expression artistique et la revendication de l’indianité ne sont pas un repli sur soi. Un épilogue est consacré à l’élection de 2024 qui fut aussi la mise en lumière internationale des artistes amérindiens.
Un ouvrage ambitieux qui donne à voir, sur un temps long, l’alternance des relations des présidents des États-Unis avec les nations amérindiennes, une histoire douloureuse qui s’apaise lentement.