L’admiration proclamée par l’actuel premier ministre Manuel Valls envers la figure à poigne de son illustre devancier Georges Clemenceau trouvera sans nul doute de quoi se perpétuer dans ce recueil. En effet, on trouve dans cet album agréablement illustré la chronique des principaux déplacements et voyages officiels du Tigre au cours de la Grande Guerre. Le commentaire est constitué d’une sélection de textes de provenances diverses. Les contributions les plus nourries proviennent des écrits personnels de Clemenceau lui-même, des souvenirs -d’ailleurs assez peu indulgents à son égard- du président de la République Raymond Poincaré, et surtout, pour la plus grande part, de larges extraits des mémoires du plus fidèle collaborateur du Tigre, le général Mordacq, alors chef du cabinet militaire de la présidence du conseil.

De septembre 1915 à novembre 1918, ce sont au total une cinquantaine de sorties qui sont ainsi répertoriées. La carte de ses destinations montre que Clemenceau a arpenté l’ensemble du front depuis la Flandre jusqu’à l’Alsace, à l’exception du calme secteur des Vosges. D’abord comme simple parlementaire puis en qualité de chef du gouvernement, l’énergique septuagénaire ne craint pas de payer de sa personne et va jusqu’à s’exposer aux risques directs du front. En effet, ses visites dans la zone des armées ne se bornent pas aux arrières et aux quartiers généraux du haut commandement. Il n’hésite pas à effectuer des incursions dans les tranchées de la première ligne et à s’aventurer sous le feu de l’artillerie adverse, à la grande inquiétude de ses accompagnateurs. Dans un registre moins sensible mais tout aussi nécessaire, on suit également Clemenceau lors des grandes conférences interalliées, dans ses visites aux troupes et décideurs militaires alliés, ainsi que sur les lieux parisiens frappés par le bombardement des « Grosses Berthas » en 1918.

Si les rencontres du Tigre avec les décideurs politiques et militaires s’inscrivent dans la pratique directe de ses fonctions gouvernementales, les tournées qu’il effectue auprès des combattants de base correspondent à une autre logique. Sur un plan strictement personnel, ce sont autant de marques impressionnantes d’énergie qui manifestent la vitalité, le courage et l’engagement de ce vieillard à la volonté de fer. N’hésitant pas à se rendre jusqu’en toute première ligne, il en retire des constats de terrain qui marquent sa volonté d’être en prise avec le réel. Par-delà les aperçus de situation, la présence du président du conseil à portée de l’ennemi constitue aussi une opération de communication et une démonstration de force morale qui a un effet galvanisateur sur ceux qu’il rencontre.

L’auteur est docteur en histoire. Le livre a été élaboré sous l’impulsion de la Société des amis de Georges Clemenceau et est le produit d’une coédition avec le ministère de la Défense. Son contenu se distingue par la très belle qualité de son illustration. Sa composition iconographique riche et variée réunit photographies (dont quelques splendides autochromes), imagerie d’Épinal, dessins, tableaux, caricatures, cartes postales, publicités… et même un vitrail. L’intérêt visuel de l’ensemble est appréciable.

© Guillaume Lévêque