Les nombreuses missions envoyées en Nouvelle-France avaient pour objectif à la fois de contrôler la vie et les mœurs des colons et de convertir les peuples autochtones. Sur ce territoire immense, c’est un défi pour le clergé et les congrégations.
Quand un prêtre révèle les confessions
Félix Tremblay-Chabot et Léo LebeauÉtudiants en histoire de l’Université de Montréal, présentent un incident survenu à Montréal en 1672 : Marie Anne Hardy, simple habitante de Montréal, reproche au supérieur des Sulpiciens d’avoir violé les secrets de la confession en pleine réunion avec le gouverneur François-Marie Perrot.
Les archives du procès aident à comprendre les rapports des Montréalais à la religion catholique, mais aussi les jeux de pouvoir et d’influence économique entre les pouvoirs religieux et politico-économiques au lendemain de la fin des guerres iroquoises.
L’attaque de Marie Anne Hardy contre les élites prouve qu’ils sont soumis à la vindicte populaire et qu’ils doivent prouver leur légitimité. Le contexte fait du clergé un acteur politique, économique et religieux important.
Un récollet apostat en Nouvelle-France ?
Les lettres canadiennes
Sébastien CôtéProfesseur de littérature à l’Université Carleton d’Ottawa analyse une correspondance romanesque trouvée dans un manuscrit conservé à la Toronto Reference Library. C’est d’abord une enquête pour trouver l’auteur et la nature des textes qui semblent être un roman dans le genre, prisé à l’époque, de L’espion dans les cours des princes chrétiens. L’auteur y relate l’histoire des récollets et notamment celle du père Joseph Denys, premier récollet canadien, chargé de porter le cœur de Frontenac en France. Ce texte a fait l’objet d’une BD Reproduite p. 20-25.
Un récollet entre l’histoire et la fiction
Jean-François LozierConservateur responsable de l’histoire de l’Amérique française du Musée canadien de l’histoire revient sur ce « récollet apostat » où l’histoire d’un récollet de ses amis qui a abjuré sa religion. Il recherche si ce roman a une part de vérité.
L’auteur inconnu prétend l’avoir rencontré dans les années 1690. Son héros serait parti avec des soldats en direction des colonies anglaises, ce qui semble correspondre à une aventure signalée par le gouverneur William Burnet de New York dans une note de juillet 1721 à propos d’un dénommé « John Durant », ce récollet français, aumônier au Fort de Frontenac, s’était présenté à New York en demandant qu’on lui paie la traversée vers l’Angleterre. Étant né huguenot, il souhaitait « quitter son ordre et changer son mode de vie et sa religion »Cité par 28.
On sait qu’à la fin du Régime français, on a constaté une vague d’apostasie.
Pastedechouan, Innu conquis malgré lui
Dans un entretien avec Emma AndersonHistorienne des religions à l’Université d’Ottawa, Sylvain Lumbroso l’interroge sur sa thèse, La trahison de la foi, paru en 2009 aux Presses de l’Université Laval. C’est l’une des rares études sur le parcours personnel d’Autochtone. L’autrice évoque la difficulté des sources, la méthodologie employée, ses recherches dans les sources françaises à Angers. Elle évoque les différences de mode de vie et de pensée entre catholiques et innus.
La vie du jeune Innu : Pastedechouan est né vers 1608. Les récollets l’éduquent et l’envoient étudier cinq ans, à Angers, en France où il est baptisé. De retour au Canada en 1626, il ne parvient pas à retourner vivre dans sa communauté. Son frère, chaman, tente de sec séparer de son mentor Paul Le Jeune. Pastedechouan, malgré ses mariages avec plusieurs femmes autochtones, est rejeté et il meurt seul en 1636.
La suite de l’entretien porte sur les Récollets que Champlain a fait venir en Nouvelle-France dès 1615. Emma Anderson montre les difficultés rencontrées pour convertir les Amérindiens d’où le choix de commencer par les enfants, comme avec Pastedechouan qui n’est pas un cas isolé. Ce déracinement est selon elle à rapprocher de ce qui s’est ensuite passé avec les pensionnats autochtones. Elle considère que Pastedechouan est un symbole mémoriel pour le Canada.
« Tu as une âme. sennon ʿ k ȣ at. »
Fannie DionneHistorienne et conseillère à la Société historique de Montréal traite de l’évangélisation, des messes et rires dans un dictionnaire français-huron écrit par les Jésuites. Apprendre la langue wendatC’est le terme amérindien, quand huron est le terme français. demandait de longues années d’étude et de pratique auprès des locuteurs natifs de cette langue. Ce dictionnaire est le fruit du travail de plusieurs générations de missionnaires de la mission de Notre-Dame-de-Lorette, dans le dernier quart du XVIIe siècle. Dans cet article, l’autrice décrit la mission de Notre-Dame-de-Lorette, quand les Wendats s’y installent en 1673-1674, fuyant une attaque iroquoise. Elle montre le rôle de cette mission dans la connaissance de la langue wendate et la mise en œuvre des conversions.
Le dictionnaire permet de comprendre comment les Wendats participaient au culte.
Enfin, l’autrice évoque le cheminement de ce document source jusqu’à nos jours.
Pour la gloire de Dieu en Nouvelle-France : la compétition entre les récollets et les jésuites au XVIIe siècle
Laurent Busseau rappelle l’oubli de la place des Récollets, arrivés pourtant les premiers, dans la vie de la colonie. Dès juillet 1615, les Récollets font le lien entre évangélisation et colonisation. S’ils peinent à convertir les Autochtones, ils doivent aussi lutter contre la présence protestante et le relâchement des mœurs des coureurs des bois impliqués dans le commerce des fourrures.
Après l’occupation anglaise des années 1629 et 1632, les Jésuites s’imposent et leurs méthodes de conversion sont bien différentes. Ils s’inspirent de l’action des franciscains espagnols en Amérique du Sud. La conversion des Autochtones s’appuyait sue le commerce du castor, une forme de marchandage temporel et spirituel. Ils produisent une abondante littérature, les Relations des Jésuites, un véritable outil de propagande pour financer leurs missions.
Les récollets, exclus de la Nouvelle-France à partir de 1629, vont poursuivre leur action en suivant l’explorateur Cavelier de Lasalle en Louisiane, en 1670.
Sur ce même sujet, Éric Thierry évoque la brouille entre les deux ordres. Il existe deux théories pour l’expliquer en rapport avec les relations du roi avec Rome et des Jésuites avec la Compagnie des Cent-Associés. Pour Éric Thierry, c’est le rôle du père Georges le Baillif qui est déterminant. Il est d’abord franciscain, puis récollet, confesseur du duc César de Vendôme, gouverneur de Bretagne et demi-frère du roi Louis XIII qui l’envoie à Québec en 1620 pour s’informer sur les rivalités à propos du monopole du commerce des fourrures. Ce sont ces rivalités et la politique intérieure qui nuisent à la réputation des Récollets et serait à l’origine de leur éviction après l’occupation anglaise.
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Autres articles :
Un document signé par Champlain découvert à Montréal
L’acte, dans le fond du Musée McCord Stewart, a été passé le 15 mars 1619 devant le notaire parisien Thomas Cartier concerne la vente à Champlain d’un jardin, situé dans sa ville natale de Brouage. Il relate un épisode méconnu de la vie de famille du fondateur de Québec.
Les écoles historiques de Montréal et de Québec face à la Conquête
Martin Lavallée expose un débat historiographique sur les conséquences de la chute de la Nouvelle-France et de la Conquête britannique, au XVIIIe siècle. Il montre les deux grandes interprétations, développées depuis les années 1940-1950 entre l’École historique de Montréal (Maurice Séguin, Guy Frégault et Michel Brunet) et l’École historique de Québec (Fernand Ouellet, Jean Hamelin et Marcel Trudel).
Les deux thèses s’opposent à propos des conséquences de la conquête : le retard des Canadiens français au XXe siècle s’explique par la Conquête britannique de 1760 – versus – la Conquête a eu des répercussions positives en remplaçant le cadre colonial dépassé de la Nouvelle-France par un cadre britannique capitaliste moderne.
Rubrique Patrimoine
Le château Vaudreuil , un lieu de pouvoir oublié
Entre 1755 et 1760, c’est le centre de décisions des opérations militaires et le lieu où fut signé la reddition générale de la colonie. Dave Noël rappelle l’histoire de l’édifice construit sur un bâtiment déjà existant dans lequel Philippe de Rigaud de Vaudreuil, gouverneur de Montréal, s’installe en 1700. Son épouse pose la première pierre de sa transformation le 15 mai 1723. L’auteur décrit cet hôtel particulier dans le goût du XVIIIe siècle et les fêtes qui y étaient données. En 1755, devant la menace d’une invasion britannique vers Montréal, il devient un quartier général.
Après le traité de Paris, en 1763, Vaudreuil le vend à son cousin, l’ingénieur Michel Chartier de Lotbinière qui, criblé de dettes, le revend à son créancier Joseph Fleury Deschambault pour 17 500 livres en 1771. L’auteur décrit le déclin de l’édifice détruit par le feu le 6 juin 1803.
La mort de l’ingénieur Lombard de Combles en 1756
Michel ThéveninHistorien à l’Université Laval, rapporte l’histoire de Lombard de Combles, ce Lorrain né dans une famille de militaires, participe au siège de Tournai, avant son affectation au Canada en 1756. Il fait partie des troupes commandées par le marquis de Montcalm. Il débarque le 31 mai 1756 et, très vite est envoyé au fort Frontenac pour préparer le siège des forts britanniques de ChouaguenSur la rive sud du lac Ontario..
L’armée dirigée par le marquis de Montcalm se met en route début août vers Chouaguen. Revenant d’une reconnaissance Lombard de Combles est abattu par Hotchig, un chef autochtone de la nation népissingue qui était, pourtant, alliée des Français, une erreur fatale !
Le 14 août, la garnison britannique capitule. Ce succès français ouvre officiellement, en Amérique, la guerre de Sept Ans, alors que les hostilités sur ce continent ont débuté en 1754.
L’auteur montre l’esprit de corps des ingénieurs militaires exprimé dans les écrits de Jean-Nicolas Desandrouins, compagnon de Lombard de Comble dans cette aventure.
Des amulettes égyptiennes en Nouvelle-France
Alex Tremblay LamarcheDirecteur de l’îlot des Palais – un site archéologique de Québec, fouillé entre 1982 et 2016 évoque la trouvaille étonnante des fouilles de 2009 : des artefacts égyptiens dont la conception remonte entre le VIIe et le Ve siècle avant notre ère. Ces amulettes représentent Nephtys, Horus et sans doute Anubis. L’auteur cherche à comprendre leur origine et pourquoi on les a retrouvé dans un remblai des années 1720 qui peut correspondre à une époque de travaux décidés par l’intendant Claude-Thomas Dupuy, érudit qui était intéressé par l’Égypte antique.
La commémoration de la fondation de Montréal (1917-2017)
Émilie GirardDoctorante en histoire à l’UQÀM compare les commémorations, à un siècle d’intervalle, de la fondation de Montréal.
La première en 1917 est marquée par le contexte de la guerre. Organisée en collaboration par la Société historique de Montréal, la Société d’archéologie et de numismatique de Montréal, le chapitre montréalais de la Société Saint-Jean-Baptiste et l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française, elle pose la question de la date exacte de la fondation de la ville lors de l’établissement des colons à Ville-Marie, en 1642. La célébration du 275e anniversaire de Montréal a eu lieu les 17 et 18 mai 1917.
Pour le tricentenaire, c’est à nouveau la guerre dans un contexte où la question nationale francophone et catholique prend une dimension propagandiste à la veille de la crise de la conscription. Faute de moyens financiers c’est une occasion manquée.
L’Exposition universelle de 1967 éclipse totalement le 325 e anniversaire de la métropole. Les projets de musée d’histoire, dans le Vieux-Montréal, et de la tour Montréal-Paris sont abandonnés par manque de ressources.
En 1992, les célébrations du 350e anniversaire de la ville sont l’occasion de redynamiser Montréal avec la création de Pointe-à-Callière, musée d’histoire et d’archéologie, et celle du Biodôme, mais aussi avec la rénovation du Vieux-Port, du Musée McCord, du parc des Îles, du square Berri et du marché Bonsecours.
Le 375e anniversaire de la ville est, en 2017, marqué par « l’identité montréalaise ». Le programme prévoit quatre volets : l’histoire de Montréal et son patrimoine, les espaces montréalais, les citoyens et la présence de la ville et son rayonnement. La dimension festive se développe.
Pour l’autrice, le processus commémoratif évolue en fonction des préoccupations sociétales.
Une revue qui permet une (re)découverte de l’histoire de la Nouvelle-France.