L’analyse de la guerre au Mali révèle les enjeux géostratégiques d’une crise nationale dont les effets de contamination menacent la sécurité de tous les Etats du Sahel soumis à des rébellions récurrentes et à une montée spectaculaire du terrorisme religieux. Face à cette menace, ce livre s’interroge sur les dispositifs sécuritaires et les ressources que le Mali, les pays du Sahel et leurs partenaires européens mobilisent pour éradiquer ce fléau frontalier.
Dans son introduction, l’auteur revient tout d’abord sur les rebellions Touaregs et leur contexte de sécheresse. « Après une brève accalmie, la rébellion touareg se scinda en plusieurs fractions (MPLA, FIAA, ARLA) -voir partie : SIGLES-. Assumant son parti pris, l’auteur présente les trois objectifs de son livre : « – relater le récit des événements de 2012 dans les régions de Gao et de Kidal ; – Décrire le pillage provoqué par le MNLA et ses alliées ; – Analyser la résistance de la population contre la conspiration ourdie par le MNLA et ses alliés. » Pour cela il va s’appuyer sur des témoignages oculaires, des récits indirects, des transcriptions -et traductions- de sources radiophoniques et audiovisuelles, de la littérature nationale et internationale (contemporaine aux événements) ainsi que sources provenant de réseaux sociaux.

Alhassane Gaoukoye, docteur, est professeur à la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation (FSHSE) au sein de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako. Dans ce livre il nous propose un récit qui se passe en 2012, au moment où le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) arrive à conquérir l’exclusivité du territoire nord malien.Le livre s’ouvre par la signification de certains sigles et abréviations (qui explique notamment les acronymes des différents mouvements au cœur du conflit), puis par un lexique qui reprend des termes des éléments de langage et facilite grandement la compréhension de l’ouvrage sans recourir à des traductions hasardeuses. Cette accumulation de ressource permet à tous types de lecteurs (familiers ou non de la question) de lire et de comprendre le sens d’Alhassane Gaoukoye.

Dans son premier chapitre, l’auteur détaille le processus de création du MNLA (Mouvement national de la libération de l’Azawad). L’objectif principal du MNLA, selon l’auteur « se résume à arracher au Mali, l’indépendance de la région de l’Azawad, située au nord du Mali. » Afin de maîtriser le contexte de création du MNLA, le chercheur, nous propose la lecture du discours d’indépendance prononcé par Bilal Ag Chérif, le 6 avril 2012. Il revient ensuite sur l’étymologie du terme « Azawad », puis reviens sur la lettre ouverte au général de Gaulle (1958) signée par les chefs et les commerçants de Tombouctou, à propos de leur rattachement à la France.

Le deuxième chapitre est consacré, ville par ville, à l’effondrement étatique malien et de ses représentations dans le territoire de l’Azawad. Kidal, depuis l’effondrement de Kadhafi, était devenue une région très occupée par les Touaregs de retour de Lybie. « L’assassinat du leader libyen eut pour conséquences un désastre humain qui enflamma le Mali où débarquèrent des centaines de mercenaires surarmés. » Ménaka, dont les éléments du MNLA se sont « dissimulé dans la population » ou ont pu « prendre la poudre d’escampette », est une ville étouffant sous les tensions et où de nombreux jeunes Touaregs quittent l’école pour prendre le chemin du MNLA. « Les rumeurs fusent de partout pour dire que le ver est déjà dans la pomme. Le sort de Ménaka est scellé. » Viennent ensuite les cas d’Aguelhok et de Gao, puis enfin de Sévaré où l’auteur évoque le supplice de jeunes militaires dont le repliement à Sévaré fut fait de manière tardive. « Ils vont être soumis à un supplice inhumain qui verrait l’élimination d’un grand nombre d’entre eux suspectés d’espionnage, de collaboration avec l’ennemi. »

Dans le troisième chapitre, l’auteur propose une analyse de « la résistance de la population contre l’oppression du MNLA puis contre celle du MUJAO (Mouvement pour l’unification du Jihad en Afrique de l’Ouest). » La résistance s’organise. Selon Alhassane Gaoukoye « Les scènes d’exactions commises par le MNLA vont redoubler d’intensité sur les populations civiles restées sur place à Gao. Elles vont des viols et des enlèvements de femmes au meurtre délibéré de paisibles habitants de cette ville martyre. » L’explication est faite sur qui fait vivre le MUJAO, et le rôle que les imams vont jouer, notamment sur le conflit interne entre MNLA et MUJAO. Le chapitre se termine par l’évocation d’Alhesba, la police islamique de répression et de nombreux témoignages à son égard.

Le quatrième chapitre, est consacré aux nombreux complots qui émergent de toute cette histoire, notamment sur le passé de Gao, basé sur les recherches d’Oumar Almahadi : « l’occupation de l’Empire songhoy par les troupes de Djouder en 1591 comme celle de Gao par le MNLA et ses alliés en 2012, a été rendue possible grâce à la complicité active de quelques individus et/ou des personnalités de marque. »
Dans le cinquième chapitre l’auteur évoque la stabilité (trop) fragile du Mali. Dans cette partie, l’auteur évoque la stratégie de combat du MNLA ainsi que le souhait du MNLA d’établir un Etat fédéral « qui unirait l’Azawad : Tombouctou, Kidal et Gao, et un Etat du Sud constitué des autres régions du Mali. »

Le sixième chapitre évoque le serment de fidélité au Mali : « La défaite du MNLA ouvre une renaissance et un espoir de revenir dans le giron du Mali ». En 2015, le MNLA est affaibli et « fut systématiquement broyé par la puissance de feu de l’armée malienne. » S’ensuit une série de discours liés à la situation de Ménaka. Le chapitre 7 nous offre ensuite un bilan de la situation malienne (et notamment à Ménaka) et dans sa conclusion l’auteur revient sur l’élan de nationalisme et rappelle que « tous les germes de division se référant à l’ethnie, à la couleur de la peau, à la religion sont extirpés au profit de la devise du Mali : UN PEUPLE – UN BUT – UNE FOI. »

A la lecture, j’ai parfois l’impression que l’on veut absolument me convaincre. Dans ce livre, il est difficile de distinguer les prises d’opinion par rapport aux vrais apports scientifiques. En effet, certains témoignages utilisés restent bien opaques (j’entends aussi pour des raisons de sécurité…) mais il est parfois difficile d’y accorder un juste crédit. La première partie du livre contextualise bien la naissance des différents mouvements, et notamment les liens créés avec la Cinquième République Française. La lecture reste captivante et apporte des éléments expliquant cette phase de l’histoire malienne. Il intéressera tous les passionnés de l’Afrique et de ses enjeux géopolitiques.