« Comprendre la Révolution à travers huit journées d’exception au cours desquelles tout bascula »

Étudier la Révolution française, invite à percevoir l’importance des insurrections populaires, qui conduisent à une remise en cause du pouvoir en place. Docteur en histoire (sa thèse porte sur les agents secrets du ministère des affaires étrangères de 1792 à 1794 sous la direction de Jean Tulard) et auteur d’une biographie très remarquée de Saint-Just, Antoine Boulant se propose de décrypter les mécanismes de ces journées révolutionnaires. Il choisit huit événements parisiens qui « ont fait la Révolution » : la prise de la Bastille, les journées d’octobre, l’invasion avortée en juin 92 puis la prise des Tuileries en août 92, l’encerclement de la Convention nationale en juin 1793 (chute des Girondins), son invasion en septembre 93 qui aboutit à la Terreur, les assauts d’avril, puis de mai 95 contre la Convention thermidorienne sonnant le glas de l’influence des sans-culottes.

Définir « la journée révolutionnaire »

Dans ses propos liminaires, l’auteur donne une définition ce ce qu’il entend par « journée ». Il s’agit « d’un événement au cours duquel le peuple prend les armes pour exercer sa souveraineté ». La journée impose un moment de rupture, une remise en cause des pouvoirs établis (le roi, les députés) qui n’auraient pas respecté leurs engagements. La journée se déroule sur le lieu du pouvoir. Elle prend une dimension à la fois politique et populaire. Ce n’est pas un coup d’État ou une émeute de la faim. Antoine Boulant écarte donc une révolte politique comme le 9 thermidor an II qui n’est pas initié par les sans-culottes, ni l’insurrection du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) qui n’est pas populaire mais royaliste.

Déterminer le processus commun de ces journées révolutionnaires

L’ambition novatrice de cet ouvrage, est d’établir une analyse transversale de ces révoltes parisiennes. Nul besoin de raconter ces événements largement décrits mais plutôt de chercher les facteurs de déclenchement, la réalité sociale des insurgés, les modalités d’invasion des lieux et les conséquences obtenues par le mouvement populaire. Cet essai utilise largement les témoignages, les mémoires et les correspondances, examinés avec le recul nécessaire de l’historien. Ces sources permettent de donner chair aux protagonistes de cette époque troublée.

Aux origines des journées révolutionnaires

En toile de fond de 1789 à 1795, la crise économique est un des ferments de la révolte. L’approvisionnement de Paris en farine est une préoccupation des politiques (800 grammes de pain par jour et par personne). Sous l’Ancien Régime, la période de soudure s’avère toujours délicate, surtout quand les accidents du climat (hivers froids et printemps pluvieux) entrainent des mauvaises récoltes et la cherté du pain. Une suspicion d’agents accapareurs à la solde de l’ennemi est derrière chaque événement. Milieu 1795, le prix du pain est cent fois supérieur au maximum fixé l’année précédente.

Les grands soulèvements populaires s’expliquent par la contestation du pouvoir politique. Le régime monarchique n’est pas forcément honni mais les positions du roi ne sont pas comprises (veto royal, soutien aux prêtres réfractaires, complicité avec l’Autriche). La République instaurée, on réagit contre la représentation nationale (les Girondins, puis les Hébertistes puis les membres du Comité de salut public en 1795)

Souvent, les insurrections s’inscrivent dans un contexte militaire défavorable. La réunion de troupes au Champ-de-Mars en juillet 1789 échauffe les esprits et aboutit à la prise de la Bastille. La déclaration de guerre en avril 1792 entraine la chute du roi.

La foule révolutionnaire

Qui sont ceux qui participent aux journées ? Quelle est la composition sociale de la foule, des acteurs de la Révolution ?

On doit à Georges Rudé une analyse approfondie de la composition et des motivations des insurgés, à partir de sources très variées, comme la liste des Vainqueurs de la Bastille. La majorité des acteurs des journées révolutionnaires sont des artisans, des boutiquiers, des professions libérales ou des salariés. On connaît les ébénistes, les menuisiers du faubourg Saint-Antoine, ou les poissardes des Halles ou encore les bijoutiers et orfèvres de la place Dauphine. On peut citer aussi les manufacturiers de la fabrique de papiers peints Réveillon ou des tapisseries des Gobelins. La plupart sont donc des indépendants actifs domiciliés. Cependant certaines catégories plus aisées et même des nobles ont pu se joindre aux révoltes alors que les plus misérables sont moins présents, car ils sont souvent indifférents aux actions politiques.

La séparation sociale entre l’Ouest riche et l’Est pauvre à Paris est attestée dès le règne de Louis XIV. Ceci explique que le poids des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine de l’Est parisien, s’avère prépondérant.

Les femmes participent en grand nombre uniquement lors des manifestations d’octobre 1789 qui ramènent la famille royale à Paris ou celles de mai 1795.

En juin 1789, s’y ajoutent les gardes-françaises, des troupes d’élite de la maison du roi. Une insatisfaction croissante pousse ces soldats à s’ériger contre leurs supérieurs. Souvent les artisans pour compléter leur solde, s’intègrent à la garde nationale, une milice créée en juillet 1789 pour assurer l’ordre public. Dirigée, par La Fayette, lui-même aux ordres de la municipalité parisienne, la garde nationale devient une arme redoutable au service de la Commune. Ses effectifs ne font qu’augmenter pour atteindre 116 000 hommes en 1793. Cette force publique parisienne est déterminante dans toutes les journées révolutionnaires notamment le 10 août 1792 quand les gardes nationaux provinciaux sont montés à Paris pour protéger la capitale après la déclaration de guerre.

La conscience politique s’est éveillée avec l’émergence de la démocratie sectionnaire qui est inséparable du mouvement sans-culotte (très longuement analysé par Albert Soboul dans sa thèse) dont la plupart voit dans les soulèvements l’apogée de leur engagement. Les journées ont bouleversé la vie de citoyens ordinaires qui vont parfois embrasser une carrière militaire ou être élu député à la Convention.

Meneurs et investigateurs

Sauf peut-être la prise de la Bastille, les journées n’ont rien de spontané. Des personnalités, plus ou moins oubliées aujourd’hui, ont eu un rôle déterminant dans le déclenchement du mouvement insurrectionnel.

Les députés

Si la majorité d’entre eux condamnent la démocratie directe et la violence, les assemblées (nationale, législative ou la  Convention) ont des idées communes avec le peuple. En juillet 1789, les représentants s’inquiètent du rassemblement des troupes par le roi au Champ-de-mars. Les Girondins autour de Brissot n’ont rien fait pour éviter le 10 août 92. Les députés montagnards soutiennent un soulèvement contre les Girondins en juin 93.

Les témoignages de l’époque évoquent le rôle de Mirabeau, actif dès le 10 juillet mais aussi en octobre 89. La figure la plus connue de l’Assemblée constituante est Louis-Philippe, duc d’Orléans et cousin du roi. Comme l’écrit Thomas Jefferson, la branche cadette, « la faction d’Orléans désirait détrôner la branche régnante ». Ouvert aux idées nouvelles et franc-maçon, le duc a encouragé les émeutiers. On a dit que « Vive le roi d’Orléans » a été prononcé. Philippe d’Orléans, présent pendant les journées d’octobre, aurait montré où était la chambre de la reine. Actifs au club des Cordeliers, Charles-Alexis Alexandre, François Chabot ou Antoine Merlin, sont moins célèbres. Léonard Bourdon a été très présent au sein des sections pour organiser des soulèvements.

Les municipaux

L’administration soumise au roi est remplacée par un comité permanent, illégalement installé à l’hôtel de ville. Ce groupe correspond aux électeurs des députés élus pour les États généraux. Bailly est élu maire. Se créent une commune élue par les districts et une milice bourgeoise, future garde nationale. Au cours des journées, cette autorité municipale a un rôle difficile. Acquise aux idées révolutionnaires, elle a pour mission d’assurer la sécurité du roi. Alors maire et membre des Jacobins, Pétion comprend l’impossible retour en arrière d’une émeute vers les Tuileries le 10 août 92 et prend des mesures pour favoriser l’invasion. La marche des sans-culottes préparée depuis des mois par les sections est inéluctable. Une Commune insurrectionnelle se substitue à la municipalité légale. Forte de sa victoire, l’arrestation du roi, elle proclame désormais le droit à l’insurrection face à la Convention nouvellement élue. La Commune impose « le premier coup d’État de la Révolution » le 2 juin 1793 avec l’éviction des Girondins.

Les clubistes et les journalistes

Le prodigieux essor des clubs appelés aussi « les sociétés » et des journaux contribue à l’éveil politique des Parisiens susceptibles de remettre en cause le pouvoir établi. On connaît la grande influence du club des Valois (La Fayette et Sieyès) pour l’année 1789. Le 10 août est préparée par les sections parisiennes encadrées par les Jacobins et les Cordeliers dont la figure la plus emblématique est Danton. Ce dernier appelle la garde nationale à massacrer la garde suisse encore fidèle à la famille royale.

Si Robespierre réussit à éliminer les Hébertistes en 1794, les Jacobins subordonnés au Comité de salut public ferment en novembre. La réaction thermidorienne sonne le glas des sociétés dissoutes en février 95. Les anciens membres n’en demeurent pas moins actifs en politique.

En parallèle, de multiples journaux relaient les idées nouvelles. Les plus connus sont Le patriote français, L’ami du peuple de Marat, Le Père Duchesne d’Hébert. D’autres écrits, les pamphlets, les brochures amplifient les événements ainsi que les affiches et les caricatures. D’après les enquêtes policières, beaucoup d’émeutiers savent lire ou signer leur nom ce qui montre un relatif niveau d’instruction des Parisiens en avance sur le reste du pays. Les nouvelles sont lues dans les lieux publics. On parle de M et Mme Veto, des brigands Capet, de la tigresse royale… Ce qui échauffe les esprits.

Les meneurs

Il s’agit de personnalités proches des Parisiens qui prennent la tête des mouvements grâce à leur charisme. Prenons l’exemple d’un brasseur, Antoine-Joseph Santerre, représentatif de la moyenne bourgeoisie du faubourg Saint-Antoine. Parti à Saint-Domingue pour surveiller les esclaves, « l’Américain » entretient de puissantes relations. Il appelle le 13 juillet à prendre la Bastille avec quatre cents hommes (selon ses dires). On le retrouve à Versailles en octobre. Après s’être bâti une solide réputation aux Cordeliers, il joue un rôle essentiel dans la chute du roi. D’après des observateurs, son domicile a été le lieu de préparation des journées du 20 juin et du 10 août. Mais la plupart des meneurs disparaissent du champ politique après les événements.

Naissance de l’émeute

La journée révolutionnaire connaît un avant et un après qui durent quelques semaines.

En amont, on observe une préparation psychologique avec des mots d’ordre précis, des fausses nouvelles. Camille Desmoulins lance, le 12 juillet 1789, la fameuse « Saint-Barthélemy des Patriotes ». Il invite la foule à porter une « cocarde » verte. Certaines rumeurs sont fabriquées délibérément pour provoquer ou entretenir la colère : de prétendus complots des ordres privilégiés, le pacte des affameurs, la trahison de la famille royale. Ces rumeurs se diffusent souvent en place de Grève, sur la place Louis XV, aux Halles et dans les faubourgs. Le Palais-Royal demeure le lieu des agitations. Arthur Young s’étonne de la tolérance du pouvoir pour « ce nid de séditieux ».

Le thème de la corruption a alimenté une abondante littérature chez les contre-révolutionnaires. Si les preuves sont rares, les historiens savent qu’elle a cependant existé en consultant les témoignages, certes souvent partiaux mais nombreux. On aurait trouvé dans les poches des blessés de nombreux émeutiers de la Bastille certaines sommes d’argent. En octobre, des témoins parlent de distribution de pièces aux émeutiers aux cris de « Vive le duc d’Orléans », le duc étant présent lui-même sur les lieux. A partir de 1792, l’argent pèse moins sur une mobilisation très politisée. Le duc de Chartres note « qu’on ne croyait plus à des mouvements populaires payés ». Pourtant la milice levée par la Commune est payée quarante sous par jour. En mai 1795, la police a trouvé des assignats distribués dans le faubourg Saint-Antoine. Les troupes chargées du maintien de l’ordre ont aussi reçu des vivres et de l’argent.

On doit à l’historien Georges Lefebvre d’avoir dressé une typologie de la foule qui se révolte. Il distingue les acteurs présents sur le lieu par hasard, ceux qui veulent assister au spectacle. Ces individus agissent sous l’influence des agitateurs comme en juillet 89. Préparées en amont, la prise des Tuileries ou l’élimination des Girondins ne correspondent pas à ce schéma. En bon observateur, le député Malouet décrit la peur qui se répand et distille une effervescence muée en révolte. Souvent des rassemblements précèdent les journées révolutionnaires : attroupements, pillages, injures contre les riches, comme en juillet 92.

Ensuite la recherche d’armes constitue des prémices au soulèvement comme le pillage des armureries, puis la recherche de la poudre à la Bastille. Ceci s’accompagne de dégradations de bâtiments publics comme les pavillons néoclassiques de Nicolas Ledoux, destinés à la levée de taxes.

Il ne faut pas oublier l’importance du mouvement sans-culotte qui prend naissance dans les quartiers parisiens et dont le rôle est prégnant dans les événements décrits par l’auteur. Soixante districts pour l’élection des États généraux sont transformés en 48 sections en mai 90 avec ordre de l’Assemblée de se réunir uniquement pour des élections primaire. Mais les sections continuent à se voir. Elles constituent des lieux d’expression de la souveraineté populaire. Certaines journées ont été préparées, en faisant pression sur les assemblées par de nombreuses pétitions, notamment pour réclamer la déchéance du roi.

Face à cette agitation, l’inertie des autorités stimule les émeutiers. Le roi refuse de congédier les troupes mais il répugne à  faire tirer sur le peuple. Les députés, très divisés, oscillent entre la volonté de protéger le roi et celle de sauver leur position. Le paroxysme de cette ambivalence se situe avant la prise des Tuileries. Proclamant « la patrie en danger », la Législative fait distribuer des piques aux citoyens par la Commune mais elle refuse de prononcer « la déchéance du roi ».

Le peuple en marche

Une journée révolutionnaire commence par un ensemble de rassemblements dans les lieux publics parisiens déjà cités. Dès l’aube, une certaine ferveur s’échappe des quartiers. Des armureries et des commerces sont pillés. L’Hôtel royal est envahi en juillet 89 par 8 000 individus tandis qu’en octobre, l’Hôtel de ville est investi pour voler les armes. En août 92, Santerre, déjà évoqué, invite à remettre les fusils aux émeutiers sur ordre de la Commune.


Antoine Boulant évoque les conséquences de l’univers sonore de la révolte. Le tocsin, les cloches, les cris, les chants et les tambours, les coups de fusils galvanisent la foule. Les bruits qui résonnent dans Paris participent « au climat lugubre », à « l’effroi dans les âmes » selon les témoins des événements. S’y ajoutent le port de signes, de symboles ou de slogans arborés : La patrie en danger, Liberté et Égalité …

Ainsi préparée, la procession du peuple en marche s’avance vers le lieu de pouvoir à investir, la Bastille relevant du symbole. Sa destruction fait partie des doléances des Parisiens. Pierre-François Palloy propose à l’Assemblée d’ériger une colonne en l’honneur de Louis XVI à sa place ! On note que les trajets empruntés sont sensiblement les mêmes tout au long de la période.

La question du nombre des insurgés est très difficile à trancher. Les listes policières et les témoignages montrent des contradictions. Georges Lefebvre distingue les badauds, les spectateurs involontaires dans cette foule en marche. Il estime 200 000 révoltés dans la capitale en juillet 89 mais un témoin parle de 600 personnes à la Bastille, 7 000 femmes en octobre suivies par 20 000 gardes nationaux. Ce serait beaucoup plus en 93, entre 40 000 et 80 000 sans-culottes et gardes nationaux.

Face aux insurgés, les forces armées sont peu nombreuses et dispersées. On estime à 7 000 soldats mobilisables rapidement an début de la Révolution pour une ville comprenant 600 000 habitants. Louis XVI choisit donc de faire appel aux garnisons de province, 20 000 soldats. A la veille du 20 juin 92, la sécurité de la famille royale est cruciale. Pétion fait doubler le nombre de patrouilles et ordonne la réquisition de bataillons de gardes fidèles au roi. On sait que seuls les gardes suisses ont cherché à résister à l’assaut. Les ordres donnés et le peu de motivation des troupes ont joué en faveur des émeutiers. Antoine de Rivarol déclare « la défection de l’armée n’est point une des causes de la Révolution, elle est la Révolution même ».

L’assaut

A destination, devant l’institution du pouvoir, le cortège des insurgés s’échauffe. Face à l’imminence de l’invasion ou de l’assaut, le pouvoir est le plus souvent dépassé. En octobre 1789, les occupants du château de Versailles sont affolés. Le roi rentre de la chasse et convoque ses ministres qui le supplient de s’enfuir. Mais Louis XVI pense que la garde nationale lui sera fidèle. Cependant le souverain se montre au peuple seulement le 10 août, à la fenêtre des Tuileries.

Sous la pression, les gouvernants font des concessions : accepter la Déclaration des droits en 1789 ou se réfugier à l’Assemblée en 1792, signant ainsi la fin de la monarchie. « Mais rien ne pouvait empêcher le torrent ». Les concessions ne suffisent pas. La foule investit les lieux : lecture de pétitions, fraternisation avec les gardes, introduction de représentants ou brutale invasion de la représentation nationale, les députés étant devenus des mandataires éjectables en mai 1795.

Alors que l’imaginaire collectif associe les journées révolutionnaires à un bain de sang, Antoine Boulant scrute plus finement ces révoltes collectives et nous apporte une analyse plus nuancée. Le bilan de la journée du 14 juillet serait de 98 tués, bien en-deçà des hommes morts en août 92, 876 de Suisses et 324 assaillants. A côté des combats, des massacres et des exécutions ponctuèrent quatre insurrections. Par exemple, la prise de la Bastille entraine la mort du gouverneur de Launey et du prévôt des marchands, Flesselles qui refuse de livrer les armes de l’Hôtel de Ville. A Versailles, Malouet parle « du spectacle d’un jeune enfant couvert de sang qui portait au bout d’une pique la tête d’un garde du roi ». S’ajoutent bien sûr les dégâts matériels, les vols même si les meneurs cherchent, comme en 92, à endiguer les rapines.

Les lendemains de l’émeute

Si ces mouvements peuvent laisser indifférents une partie des Français, notamment à la campagne, les observateurs éclairés parlent de la menace permanente d’un nouveau soulèvement. Cédant dès juillet 89 en rappelant Necker et en renvoyant les régiments étrangers, le roi perçoit le poids du mécontentement. Il accepte de se rendre à Paris accompagné d’une délégation de 300 députés et de porter la cocarde tricolore. Ainsi, Louis XVI sanctionne la disparition de la société d’ordre et du régime féodal. Il part ensuite habiter les Tuileries, au cœur de la tourmente. Pour Marat, la fête de la Fédération réunit « les bons Parisiens afin de posséder enfin leur roi ».

Le roi suspendu, la Législative adopte le suffrage universel masculin. Le peuple doit élire une Convention chargée de rédiger une nouvelle constitution. Huit cent décrets sont promulgués, de la laïcisation de l’état civil, au divorce ou à la déportation des prêtres réfractaires.

La journée du 5 septembre 93 est associée à la mise en place de la Terreur tandis que le 20 mai 95 sonne la fin définitive des Montagnards.

Des huit événements étudiés, la reddition de la Bastille est celui qui a le plus marqué les contemporains. L’effet de surprise provoque le sentiment d’une rupture avec une époque. « Sire, c’est une Révolution » probablement apocryphe révèle l’importance de la ligne franchie par le peuple. La bourgeoisie européenne ne s’est pas trompée. Elle y voit une nouvelle ère.

Ces mouvements populaires auraient dû susciter les représailles des autorités mais les hésitations royales puis républicaines montrent la peur d’un peuple qui se dit souverain. Seules les journées d’octobre ont entraîné une procédure judiciaire de grande ampleur avec une commission d’enquête et 400 témoins. Mais les dépositions contradictoires sont très contestées.

En 1795, les commentateurs soulignent « l’agonie des Républicains de 93 ». Des centaines de « terroristes » sont arrêtés. Les derniers sans-culottes sentent que la fin des journées révolutionnaires a sonné.

En conclusion, Antoine Boulant pose la question d’un éventuel modèle des moments décrits : les facteurs de déclenchement, la détestation du pouvoir en place, des causes de mécontentements, des troupes peu motivées et des représentants dépassés.

Ces journées voient le peuple en armes faire trembler les hommes au pouvoir et abattre des régimes politiques. L’auteur nous fait vivre ces journées qui se déroulent au cœur de la capitale (p 46-48). Il fait vibrer le lecteur parmi cette foule dont les motivations sont parfaitement décrites. Nourri de témoignages éloquents, cet ouvrage bien documenté recentre les événements au plus près des acteurs. Il constitue un outil précieux pour comprendre les femmes et les hommes qui ont fait l’histoire.