Quatre auteurs, tous membres de UMR 7041 ArScAn (HAROC) (Archéologie et Sciences de l’Antiquité – Histoire et Archéologie de l’Orient Cunéiforme ) CNRS- Paris 1 Sorbonne se sont partagés la tâche de parcourir ces trois millénaires. Bertrand Lafont, directeur de recherche au CNRS, assyriologue et sumérologue est spécialiste des périodes de la haute histoire du Proche-Orient ancien (IIIe et IIe millénaires av. notre ère), Aline Tenu, chargée de recherche en histoire et archéologie de l’Orient cunéiforme, Francis Joannes, Professeur d’Histoire ancienne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur notamment de La Mésopotamie au premier millénaire av. J.-C., (2000) ; Les premières civilisations du Proche-Orient (3000-1500) (Belin 2006) ; (dir.) Dictionnaire de la Civilisation Mésopotamienne (2001) et Philippe Clancier est maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne traite de la période la plus récente
Sumer, Akkad, Aššur, Ninive, des noms évocateurs qui offraient aux élèves de 6ème un Orient de rêve quand cette partie de programme avait toute sa place et qui, hélas, aujourd’hui rappellent les destructions de vestiges archéologiques. Les auteurs ont choisi de couvrir une région essentiellement comprise entre le tigre et l’Euphrate. Ils se proposent de faire découvrir ou redécouvrir l’histoire de cette région qui fut un laboratoire « où l’une des plus anciennes sociétés humaines a mis en œuvre » les débuts de l’agriculture et la domestication animale, les premières villes, une forme d’écriture, des formes d’organisation étatique. Une histoire qui se déroule sur 3000 ans du roi d’Uruk Gilgamesh à celui des Parthes Artaban, le temps de l’écriture cunéiforme.

L’aube de l’histoire

La Mésopotamie est d’abord un cadre géographique à la fois contraignant et ouvert, défini par la vallée des deux fleuves Tigre et Euphrate, la « croissant fertile » selon l’expression consacrée. Ici se pose la délicate question de la révolution néolithique : nature, causes, étapes, diversité des situations. Le chapitre propose quelques repères dans le temps et l’espace à partir des différentes cultures définies par leur céramique, agriculture avec ou sans irrigation : culture d’Obeid, Samarra, Halaf.

Uruk et la révolution urbaine 3500-2900

C’est au sud, en lien avec les techniques d’irrigation, que se développe une première expérience urbaine. A Uruk émerge une écriture, des institutions étatiques, des édifices religieux. Il s’agit de comprendre la genèse et l’importance des changements à partir de la connaissance accumulée sur ce site explore depuis 1912. L’auteur interroge tout particulièrement la naissance de l’écriture cunéiforme depuis les premières tablettes pictographiques et les listes lexicales. Sont rappelées les différentes thèses sur l’origine de l’écriture avec un hommage aux premiers déchiffreurs.
Les découvertes récentes viennent confirmer les thèses de Gordon Childe sur la naissance des structures étatiques, l’existence d’un roi-prêtre.
La date et l’origine de la présence du peuple sumérien dans cette région du Sud demeurent incertaines.
L’art permet une première approche de la religion et du pouvoir quand la céramique atteste d’une diffusion de la culture urukienne vers le Nord et l’Est carte pp. 92-93.

Les cités états archaïques 2900-2330

Cette période est mal connue avec des villes – pôles de développement et un glissement du Sud vers le Nord (Mari, Nippur, Kiš). Malgré les incertitudes de la chronologie on peut parler de civilisation urbaine. Les sources disponibles lacunaires sont présentées de façon détaillée et notamment les textes littéraires postérieurs qui peuvent apporter des informations comme la liste royale sumérienne.
L’interrogation porte sur les relations entre les cités : échanges, coopération, compétition et en particulier sur les évolutions de la zone centrale : montée des populations sémitiques, bilinguisme entre sumérien au Sud et akkadien au Nord.
La description de la cité-état sumérienne part d’une présentation historiographique de l’institution royale, des aspects religieux et économiques, développée à partir de quelques exemples : Lagaš, Ebla, Mari. À la vue des photographies de sites p. 147, vue aérienne de Tell Mardikh, l’ ancienne Ebla dans sa riche plaine agricole on ne peut que s’interroger sur ce qu’il en reste aujourd’hui, non seulement les vestiges mais aussi les paysages.
L’enseignant de 6e trouvera ici de quoi alimenter une leçon sur les cités-états reproduction de la stèle des vautours p. 144.

Akkad, l ’empire charismatique 2330-2100

Le quatrième chapitre s’ouvre sur la représentation du roi Sargon p. 164 Tête royale, sculpture sur cuivre, fondateur du premier empire mésopotamien.
C’est sans doute le chapitre le plus directement exploitable pour construire un cours en 6e.
L’auteur décrit l’instauration de l’empire sous Sargon, ses campagnes de conquêtes mais aussi sa légende qui a sans doute inspiré les débuts de l’histoire de Moïse dans la Bible (Exode 2, 3-8). Il aborde l’apogée sous Naram-Sîn à noter la représentation de la stèle de la victoire retenue comme document majeur dans les programmes, p. 179. Une place est faite à l’organisation économique et sociale du royaume, à la religion et à l’art.

Ur, l’empire gestionnaire 2100-2000 – Le temps des ziggurats

Le roi Šulgi a choisi de conforter son empire sur le territoire et de nouer des alliances matrimoniales avec ses voisins. Bertrand Lafont décrit la nature du pouvoir, les relations avec la religion notamment le « mariage sacré » et l’organisation du système du bala (système de taxation). Les documents attestent d’une exploitation intensive des ressources de l’agriculture irriguée.L’auteur Bertrand Lafont consacre plusieurs chapitres à l’âge amorrite sur les quatre premiers siècles du second millénaire. Il décrit de façon plutôt événementielle les successions dynastiques dans le Sud : L’Héritage des rois d’Ur 20013-1763 et dans le Nord : L’héritage des rois d’Akkad 2003-1735.
Les riches archives de Mari permettent de situer avec précision les dynasties Isin, Larsa, le devenir de Babylone. Dans le Nord, avec des densités de population plus faibles, les pouvoirs locaux demeurèrent plus marqués comme dans la vallée de la Diyala où le pouvoir est placé sous l’autorité du dieu Tišpak. Un paragraphe est consacré à la ville de Mari et à la dynastie Šakkamakku puis à Aššur ainsi qu’aux conditions de l’effondrement du royaume de haute Mésopotamie.Au temps des derniers rois de Mari 1810-1760.
Ce chapitre est l’occasion d’étendre l’étude à tout le Proche-Orient d’Alep ( royaume d’Yamhad) à Dilmum (sur le Golfe-persique). L’auteur analyse la question controversée de la nature des Amorrites : invasion de peuples sémitiques, mode de vie semi-nomade.


Hammurabi de Babylone et ses successeurs 1792-1595

« Hammurabi » est sans doute le nom le plus connu des souverains du Proche-Orient ancien « incarné » par une stèle de pierre noire conservée au Musée du Louvre. Cette stèleprésentée p. 344 et complétée p. 346 d’une méthode de déchiffrement du cunéiforme, le code d’Hammurabi, est une source importante pour la connaissance du roi : guerrier et diplomate, administrateur et législateur.Vivre, produire échanger au temps des rois amorrites
Après plusieurs chapitres consacrés à l’histoire dynastique, le choix, ici, est d’exploiter les nombreuses tablettes pour évoquer les réalités économiques et sociale au temps d’Hammurabi : la cellule familiale, les institutions de base comme l’ilkum, le service du roi en échange d’une terre alimentaire, le gagum, lieu de vie des prêtresses et le mišarum, remise des dettes par le roi.
Les tablettes renseignent aussi sur la religion, la culture et le monde des lettrés. Bertrand Laffont, dont c’est la dernière contribution, aborde le domaine économique, économie palatiale et économie privée, sur la longue durée, de l’exploitation agricole au grand commerce. Un encart présente l’épopée de Gilgameš, vrai roi ou légende ? en autre encart sera présente au chapitre 18.

Le Mittani, un nouveau royaume en haute Mésopotamie

Pour quelques chapitres la rédaction est confiée à Aline Tenu. C’est un monde mal connu que ce royaume du Mittani, ennemi des rois hittites au milieu du second millénaire avant notre ère, peu de sources. L’auteure présente les diverses hypothèses de l’apparition de cet état guerrier qui combattit notamment les Égyptiens au Levant à l’époque de Toutmosis 1er et Thoutmosis III. L’organisation du royaume, le régime de vassalité et l’existence d’une citoyenneté sont ici décrits.

Guerre et paix au Proche-Orient : l’âge d’El Amarna

La seconde moitié du deuxième millénaire est riche de sources tant archéologiques qu’écrites trouvées sur le site d’El Amarna, ville fondée par Akhénaton. Elles sont précieuses pour analyser les relations entre les grands états : Égypte, Mittanie, Babylonie, Assyrie et Hatti, les relations diplomatiques, les cadeaux échangés, les relations guerrières et économiques comme le montre l’encart consacré au bateau d’Uluburun p. 434-435, voir aussi la carte p438 ou les fouilles d’Ugarit. L’auteure détaille les relations entre les « grands rois » et avec des états secondaires, une histoire riche et parfois mouvementée notamment au Levant.

La Babylonie, des Cassites à la dynastie d’Isin II

À partir du début du XVIe siècle, une nouvelle dynastie, sans doute venue des monts Zagros, contrôle cette région. Elle ramène à Babylone une certaine prospérité tout en adoptant le panthéon traditionnel comme l’atteste la construction de la ziggurat de Dur-Kurigalzu. Cette période « néo-babylonienne » (1155-1027) est caractérisée par une renaissance fragile après les querelles de Babylone avec ses voisins hittites, assyriens. Cette renaissance est associée au 4e roi de la seconde dynastie d’Isin : Nabuchodonosor 1er (1126-1105). La présentation de divers documents permet une immersion dans la vie économiqueprocédure d’achat d’une terre, encart p. 520. C’est aussi l’époque de la standardisation de l’écriture cunéiforme.

Naissance de l’Assyrie

Après Babylone au chapitre 14, le projecteur est mis sur l’histoire de l’Assyrie. Cette cité-état a-t-elle été intégrée au Mittani au milieu du second millénaire ?
C’est une histoire difficile à établir, car les textes sont peu nombreux.
Le renouveau apparaît au début du XIVe siècle avec Eriba-Adad 1er (1380-1354), puis l’action diplomatique et militaire de son fils Aššur-uballit marque l’affaiblissement du Mittani. L’Assyrie, à son tour, connaît des difficultés au XIe siècle.
Les développements sur l’idéologie, la titulature, l’organisation territoriale et la religion viennent clore ce chapitre.

Ce sont deux siècles de désordre, le temps des troubles : Peuples de la mer, Araméens, Chaldéens, qui caractérisent les XIIe et XIe siècles. Entre l’arrivée de nouveaux peuples et les mutations internes, le Proche-Orient connaît aussi des catastrophes naturelles et climatiques que les historiens étudient aujourd’hui. Le temps des peuples de la mer, connus par les sources égyptiennes du règne de Ramsès III précède l’installation au Nord d’états araméens cartes p 594 et 596 avant la domination chaldéenne sur Babylone.

Francis Joannes aborde au chapitre 16 La redéfinition de l’espace Assyrien 934-746.
Le premier millénaire s’ouvre sur la domination assyrienne et l’établissement d’un empire pluriethnique, épopée connue grâce à des « Annales » gravées sur tablettes . Ce premier impérialisme se développe durant les 25 ans de règne d’Aššurnasipal II bas relief de son char p. 638, statue en pied p. 650. L’idéologie est celle du roi-guerrier omnipotent à la tête d’un vaste empire, des pays vassaux maintenus dans la subordination par la peur devant les méthodes brutales des guerriers assyriens. L’empire est confronté entre 874 et 746 à une situation plus délicate.

L’Assyrie impériale 745-610

Le coup d’état de 746 redonne un esprit d’expansion avec une véritable organisation des provinces aux mains de gouverneurs assyriens. Ce temps dit des « usurpateurs » à partir de 745 dure un demi-siècle. À partir de Tiglath-Phalazar III il est marqué par la reconquête et l’annexion des anciens pays vassaux carte p. 686.
Sous Sargon II (721-705) on parle d’apogée avec l’instauration d’une dynastie puisqu’il associe son fils au pouvoir. Au lendemain de sa mort les Sargonides doivent faire face à des rébellions (Phénicie, Palestine) et à l’hostilité de ses grands voisins. L’auteur consacre un paragraphe à de nouveaux peuples : les Mèdes, les Arabes, les Cimmériens avant d’aborder l’histoire d’un autre grand roi : Aššurbanipal (668-630)carte p.729.

Après l’histoire politique et militaire le chapitre 18 traite de la vie en Assyrie sous les Sargonides : cadre de vie royale connu grâce aux fouilles archéologiques de Kalhu, Ninive, Khorsabad mais aussi exercice de la justice, vie politique et rituels du pouvoirtexte de donation d’ Aššurbanipal à son chef des approvisionnements, p. 756, société, économie et fiscalité. L’ensemble permet de se faire une idée de la vie du peuple. Les déséquilibres socio-économiques entraînent la chute de l’empire à la fin du VIIe siècle. Un encartpp.770-773 présente l’épopée de Gilgameš déjà évoquée au chapitre 10.

L’empire néo-babylonien (626-539)

La période s’ouvre en 626 sur le règne guerrier de Nabu-apla-usur (Nabopolassar), venu d’Uruk, il émancipe Babylone de la tutelle assyrienne et restaure une économie florissante. Son fils Nabuchodonosor II réorganise l’empire et poursuit l’expansion vers la mer (prise de Jérusalem en 597). Il œuvre à la mise en défense de la capitale plan p. 794 et photographies des détails animaliers de la porte d’Ištar p. 798-799.
La chapitre se clôt sur le règne du mal connu roi Nabonide qui partit « se perdre » en Arabie où il contrôle les centres caravaniers avant la chute de Babylone face à l’expansionnisme perse de Cyrus.

Le « long sixième siècle » babylonien

Avant d’aborder au chapitre 21 la période achéménide, Francis Joannès dresse un portrait détaillé de l’économie babylonienne document pp. 336-338 : l’édit de Bêl-šar-usur, règlement pour la gestion des terres agricoles. Il met en évidence le rôle des temples dans la mise en valeur agricole, entre exploitation directe et fermage. Les études sur les temples du dieu Šamaš à Sippar ou de la déesse Ištar à Uruk offrent des exemples précis notamment sur le système des prébendesTableau des offrandes p. 845. On peut aussi étudier la hiérarchie sociale à l’aide des contrats juridiques. : une population urbaine misérable mais prise en charge par les sanctuaires grâce au régime des oblats, une domesticité esclave mais assimilée à la famille, des notables issus de familles « à ancêtres ». L’auteur donne en exemple la famille Egibi, commerçants puis proches du pouvoir et des temples. Les tablettes retrouvées décrivent la gestion du patrimoine familial, le rôle du chef de famille, le système des prêts mais également le mariage, la maison et ses habitants, les relations parents-enfants et les aspects religieux.

La Mésopotamie, province de l’empire achéménide

De 538 av. J.C. À 750 ap. sous le califat abbasside, Babylone n’est plus le centre d’un empire mais une partie de l’empire perse, ouverte aux mouvements commerciaux, aux flux migratoires et en même temps demeure une tentation de repli identitaire exprimé par la littérature. À côté des tablettes cunéiformes d’autres sources apparaissent sur peau ou papyrus en langue araméenne.
Au Vie siècle la domination perse sous Cyrus II et Cambise est bienveillante, la Babylonie fournit à l’Iran des productions agricoles grâce à un réseau de transport en expansion, mais elle est aussi présente avec la « corvée royale ». La crise dynastique perse de 521 amène au pouvoir Darius Ier qui, pour construire les palais de Suse et Persépolis, va soumettre la riche Babylonie à une exploitation fiscale et économiqueSituation illustrée par les bas-reliefs de Persépolis, reproduits p. 898-899, non sans entraîner une montée des prix et des crises de subsistance. Un paragraphe est consacré à la révolte contre Xercès et ses conséquences.
La seconde période achéménide (465-330) est caractérisée par le calme, un retour des populations vers les domaines ruraux, greniers à blé de l’empire avec la réorganisation de l’irrigation et la mise en valeur de nouvelles terres par des « colons » militaires.

La Mésopotamie entre l’Ouest et l’Est

Le dernier chapitre traite de l’époque hellénistique. Après un rappel de l’effondrement du pouvoir achéménide et de la victoire d’Alexandre carte p. 916, l’auteur évoque le rôle des élites urbaines et cléricales sans le gouvernement local. À la mort d’Alexandre les diverses convoitises entraînent querelles, exactions, une période noire pour la Babylonie. L’affirmation des Séleucides au IIIe siècle permet une réorganisation en provinces subdivisées, avec des « cités grecques » et des villes indigènes. Antiochos Ier choisit, dans un premier temps, de respecter les élites locales en soutenant la restauration des sanctuaires.
La Babylonie jouit alors d’une autonomie relative mais réelle, dirigée par un satrape, contrôlée par des garnisons dans les grands centres urbains qui ont un certain pouvoir dans la gestion des affaires locales et religieuses mêlant tradition mésopotamienne et modèle grec de la « polis ».
Au second siècle la Babylonie passe sous contrôle parthe, rapidement évoqué. C’est un lent glissement vers la fin de la culture suméro-babylonienne quand les sanctuaires sont menacés. La cité d’Hatraencart P. 952-9653 atteste de la recomposition du paysage urbain.

Comme dans les précédents volumes de la collection « Mondes anciens », l’ouvrage se termine sur l’atelier de l’historien. C’est une occasion de revisiter la ou les chronologies avec Bertrand Laffont, les premières villes avec Francis Joannès, l’aventure des fouilles de Nimrud avec Aline Tenu et quelques articles en rapport avec les récents courants historiographiques : histoire globale, « gender studies », archivistique, histoire des sciences.

En annexe un précieux glossaire, une utile chronologie et une abondante bibliographie.