C’est un véritable « package » Russie qu’a mis à notre disposition la documentation française : deux revues publiées en 2012 pour faire le point sur l’avenir de la Russie dans le contexte de la réélection de Vladimir Poutine.
Intitulé Russie, le tournant ?, le numéro de Problèmes économiques d’avril 2012 propose à son habitude une sélection d’articles parus dans la presse internationale. Ces articles ne sont pas reproduits dans leur intégralité mais ils sont suffisamment longs pour ne pas trahir la pensée des auteurs. Dans le numéro présent, se combinent des articles traduits en français de The Economist, d’International Affairs, mais aussi des articles parus dans des revues françaises : Revue des Deux Mondes ou Monde Chinois (des éditions Choiseul, revue souvent chroniquée par les Clionautes). Une savante alliance d’économie, de société et de politique. On retiendra que la Russie revendique son appartenance au groupe des BRIC (terme inventé en 2001 par Jim O’Neil, chef économiste de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, terme complété par un S pour South Africa, BRIIC pour Gérard-François Dumont qui y inclut aussi l’Indonésie). Pourtant, le rythme de croissance de la Russie est bien en dessous de celui des membres du groupe, même si en 2011, le taux de croissance de la Russie était de 4,1% (de quoi nous faire pâlir !). La modernisation du pays doit passer par la mise en place de réformes structurelles. La Russie continue encore à afficher une économie rentière. La classe moyenne porte un regard critique sur l’immobilisme politique et économique actuel. La nostalgie de l’époque soviétique tient une place encore importante (voir à ce propos le graphique C’était mieux avant). Ces articles permettent de nuancer la vision d’une Russie à la démographie catastrophique : une relance de la natalité s’est opérée depuis les années 2005.
La revue Questions Internationales, parue en septembre-octobre 2012, propose quant à elle des analyses inédites. Hélène Carrère d’Encausse estime que « la Russie actuelle peut être qualifiée de puissance entre guillemets. » Les JO de Sotchi de février 2014 sont le symbole des difficultés que connaît la Russie d’aujourd’hui. Les JO apparaissent comme un observatoire emblématique des liens entre économie et politique. Le site peu approprié (enclavé entre la mer et la montagne, aux équipements sportifs quasi inexistants ou vétustes) exige des investissements pharaoniques aux dépenses exponentielles (plus de 30 milliards de $, soit largement plus que ce qui a été investi pour les JO de Vancouver, Turin ou Salt Lake City). Le contexte géopolitique heurté (Nord-Caucase) achève de remettre en cause le projet qui exige pour sa réalisation l’expulsion des familles habitant sur les lieux des équipements. Le projet est aussi critiqué pour ses impacts environnementaux : construction d’une route et d’une centrale thermique. Malgré toutes ces critiques, le chantier suit son cours même s’il accuse des retards déjà importants. Pourtant, la montée d’une « moscobourgeoisie » (urbaine, éduquée et enrichie) et l’usage croissant d’internet font qu’il semble de plus en plus difficile de tenir cette ligne. Les manifestations qui ont ponctué le calendrier électoral de 2011-2012 montrent à quel point l’équilibre politique mis en place par Poutine est fragile. La redistribution de la rente (économie de rente) permet de calmer le jeu mais pour combien de temps ?
Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes