Encore un ! Un auteur fasciné dès l’enfance par le pouvoir d’évasion procuré par les cartes et qui a décidé de faire partager cet enthousiasme.

Lors d’un très joli prologue, Guillaume Monsaingeon enseignant en philosophie en classes préparatoires ayant passé de nombreuses années dans l’univers des musées, confie que les choses ont légèrement changé depuis son jeune âge où il contemplait les cartes à plat ventre sur le tapis : les artistes sont désormais entrés par effraction dans l’univers des cartes, un peu comme s’ils s’étaient venus s’allonger à ses côtés sans le prévenir.

Dans une première partie générale, l’auteur s’explique sur le titre « Mappamundi », ces représentations médiévales plus esthétiques que fidèles à la réalité et s’interroge sur la pédagogie de la carte. Certes, il est aisé de considérer que toute carte produite est d’emblée obsolète mais plutôt que de se demander si les cartes sont réellement utiles, Guillaume Monsaingeon préfère interroger la relation entre les sémiologues et les artistes : doivent-ils s’opposer ? La bonne carte est-elle celle qui délivre son message d’efficacité au premier coup d’œil ou alors faut-il miser sur une esthétique plus recherchée qui maintiendra le regard plus longtemps et qui permettra de mieux ancrer le propos ?

Pour tenter d’y répondre, ce sont trois grands thèmes que le livre expose au travers d’une sélection d’œuvres de 26 artistes contemporains (le corps, le combat et le conte).

Le volet sur le corps révèle l’inspiration de la peau et des formes : des superpositions de cartes sur le corps dans l’esprit tatouage (Céline Boyer) aux véritables tatouages qui retracent le parcours de son porteur (Qin Ga), du contraste entre l’intimité du matelas et le spectacle du monde (Guillmero Kuitca) aux robes cartographiques de Susan Stockwell.

La partie sur le conte laisse la poésie s’inviter (flâneries de Rosana Ricalde), l’utopie de Nicolas Desplats (pots de peinture remplis de nos représentations et prêts à l’emploi), la lecture exigeante des omissions partielles des noms sur les cartes de Jochen Gerner ou encore l’amusante représentation du planisphère sur pain grillé de David Reimondo.

Si l’analyse du combat s’avère un peu moins percutante dans la sélection (de bonnes images de Vik Muniz sur une planète remplie d’ordinateurs périmés ou de la domination de la culture américaine via Disney par Nelson Leirner), le thème trouve, dans le début de l’ouvrage, d’autres appuis intéressants permettant de reprendre un peu de hauteur : nos habitudes bouleversées avec une simple vision du point de vue australien ou par une redistribution différente des Etats dans le monde (Hong Hao).

Un bien bel essai sur des relations entre art et cartographie de plus en plus fécondes servi par une belle plume, de belles images que certains chanceux ont peut-être eu l’occasion d’apprécier grandeur nature lors de l’exposition Mappamundi de ce printemps à Toulon et comme toujours chez Parenthèses, une mise en page à la fois originale, incisive et extrêmement soignée.