Les éditions Autrement propose cet atlas des premières colonisations de Marcel Dorigny et Fabrice Le Goff pour la cartographie.

Une précédente édition date de 2013 : Atlas des premières colonisations XVe-début XIXe siècle : des conquistadors aux libérateurs

Voilà un atlas qui complète judicieusement Le monde atlantique d’Eric Schnakenbourg sorti cette année chez Armand Colin, mais qui va au-delà vars les mondes indiens et pacifique.

Comme toujours on reconnaît la qualité des atlas des éditions AutrementPar exemple, pour l’histoire et sortis en 2021 : Atlas des migrations en Méditerranée – De l’Antiquité à nos jours ou Atlas de la France au XIXe siècle : une construction rigoureuse, des double-pages thématiques alliant texte, graphiques et cartes.

Dans son introduction Marcel Dorigny montre que si la colonisation est synonyme d’extermination ou refoulement des vaincus, elle n’est pas un phénomène nouveau au XVe et XVe siècles. Mais qu’elle marque un changement d’échelle avec la destruction des sociétés préexistantes, une appropriation politique, une exploitation économique et la christianisation des peuples.

La naissance des empires européens XVe-XVIe siècle

L’atlas s’ouvre sur les legs de Marco Polo, les raisons des voyages vers l’Orient puis de la découverte de l’Amérique. Au XVIe siècle on passe d’une cartographie mythique à des cartes modernes.

On suit les voies vers l’Orient depuis la découverte des Açores jusqu’au franchissement du Cap de Bonne-Espérance, une affaire portugaise. La route occidentale est après les Vikings celle des Espagnols. Cette situation conduit à la médiation papale et au partage de Tordesillas. Une double-page est consacrée à l’empire espagnol (1550-1650) avec notamment la localisation des mines de cet « Eldorado ». L’arrivée des Européens et leurs premières colonisations ont provoqué un choc sanitaire et la rencontre violent de deux humanités : massacres, asservissement, épidémies. Une exploitation qui repose sur l’arrivée en Europe de l’argent américain et la traite négrière qui apporte la main-d’œuvre indispensable à l’établissement des cultures de rente (deux graphiques très parlants).

Retour au monde indo-pacifique (page 26 et suiv.), la rencontre de deux ambitions bien illustrée par Autour du monde entier, Images du merveilleux voyage du marchand florentin Francesco Carletti (1594-1606)Ouvrage d’Anna Unali, L’Harmattan, 2021.

La redistribution des empires au XVIIe siècle

Dès la fin du XVIe siècle de nouvelles puissances s’intéressent au commerce et à l’exploitation des colonies. Deux double-pages présentent les Compagnies des Indes, à noter les graphiques sur le rythme des voyages France-Inde au XVIIIe siècle. Les documents portent sur le commerce de l’Europe avec les Indes orientales, les productions, les évolutions, la monnaie. On y lit le rôle des marchands chinois (Canton), et un focus sur la Compagnie française des Indes et Lorient.

Marcel Dorigny montre comment les nouveaux venusPetites cartes des implantations françaises en Floride et au Brésil se heurtent au monopole hispano-portugais.

Trois double-pages sont consacrées à la Nouvelle-France : voyage et explorations de Jacques Cartier, difficile peuplement avec une carte de l’origine des colons français et un graphique du sex-ratio à la fin du XVIIe siècle. Le plan de Québec montre la faible densité urbaine et la place des institutions ecclésiastiques. Le petit plan du parcellaire des rives du saint-Laurent pourra être mis en rapport avec Les Éboulements – Trois siècles de relations avec le fleuve Michel Desgagnés, (Québec, Septentrion, 2020). La double-page sur la Louisiane évoque le rôle des Français dans l’exploration de l’intérieur, vallée du Mississippi notamment et la concurrence franco-anglaise jusqu’en 1763, implantations aux dépens des populations amérindiennesIl est un peu surprenant que l’auteur utilise le terme d’Indien et non d’Amérindien.

Pour faire pendant à la Nouvelle-France, deux double-pages traitent de l’Amérique du Nord britannique : territoire, économie mais aussi colonie de peuplement (carte p. 52), évolution de la population noire et religions.

Dans les Indes orientales, les FrançaisPlan de Pondichéry au XVIIIe siècle supplantent les Portugais. La Guerre de sept ans et le Traité de Paris redistribuent les cartes.

L’apogée de la colonisation mercantiliste au XVIIIe siècle

L’empire du sucre permet une comparaison des balances commerciales française et anglaise à la fin du XVIIIe siècle. Le bilan de l’évolution de l’empire hispanique montre un immense empire, plutôt stable malgré un fonctionnement complexe. Cet empire est marqué par la christianisation entre conquête spirituelle et inquisition.

Le siècle des Lumières ne pouvait pas ne pas s’intéresser à ces vastes espaces : la science fut productive de la découverte du Gulfstream à l’utilisation des horloges marines pour déterminer les longitudes ou les voyages scientifiques et expéditions savantes (chronologie). Des institutions savantes se développent en Amérique. L’imprimerie arrive en Amérique du Sud et les collections botaniques et zoologiques européennes s’enrichissent. Une très originale double-page permet de découvrir les sociabilités coloniales : réseaux marchands, visiteurs et franc-maçonnerie.

On fait une incursion en Indonésie avec les Portugais et les Hollandais : Plan d’Amsterdam en 1649 qui fut le cœur de l’empire néerlandais des Indes. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle qu’une réelle exploration du pacifique permet une première connaissance des mers australes – carte des voyages de Béring et de Cook.

Peut-on parler, à la fin du XVIIIe siècle d’une mondialisation achevée ? L’auteur propose de comparer la carte des routes commerciales vers 1500 et celle des routes et empires vers 1750-1775.

Ruptures des équilibres coloniaux à la fin du XVIIIe siècle

La remise en cause de la colonisation est le fait de penseurs qui critiquent le travail forcé. L’auteur mentionne le thème du concours d’éloquence de 1781 à Lyon : « la découverte de l’Amérique a-t-elle été utile ou nuisible ? »Avantages et désavantages de la découverte de l’Amérique. Chastellux, Raynal et le concours de l’Académie de Lyon. Textes réunis et commentés par Hans-Jürgen Lusebrink et Alexandre Mussard, publication de l’Université de Saint-Étienne, 1994.

La première grande rupture : 1776, l’indépendance des Treize colonies est une rupture sans décolonisation des Premières Nations. La seconde rupture c’est la révolte d’HaïtiCarte de l’offensive de Toussaint Louverture 1800-1802 et carte de la défaite française 1803, de la revendication de la liberté inspirée par la Révolution à celle de l’indépendance.La troisième rupture : les indépendances de l’Amérique latine : carte des guerres du XIXe siècle et carte du bilan 1804-1844.

Que reste-t-il des empires en 1825 ? L’étendue du rose sur la carte (page 89) amène à poser la question, d’une Angleterre, maîtresse du monde ?

La dernière double-page introduit le projet et les utopies coloniales du XIXe siècle. Un paragraphe autour du rêve impérial de Napoléon et une carte des expéditions françaises.


La bibliographie et la chronologie simplifiée complètent efficacement.  Cet atlas des premières colonisations a toute sa place dans les CDI.